jeudi, mars 28, 2024

Popcorn Melody d’Émilie de Turckheim (Éd. Héloïse d’Ormesson)

PGF avril 2015 - Copie (3) copie« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.

C’est avec un Indien ivre, qui s’effondra dans un vieux fauteuil de barbier installé devant la caisse d’un tout petit supermarché d’un bled du Midwest, que débute « Popcorn Melody », le roman d’Émilie de Turckheim paru aux Éditions Héloïse d’Ormesson. L’homme saoul se mit à parler et demanda à Tom Elliott, le type du magasin, de lui écrire une chanson. Pas une chanson d’amour, mais une qui raconterait le travail à l’usine. Car, avec ses quatre années d’université, Elliott était plus célèbre pour ses haïkus que les rayons de son magasin à peine achalandé de cannettes, de rubans tue-mouches et de paquets de noix de cajou, mais, surtout pas de pop-corn dont une sorte de multinationale utilisait depuis de longues années sa figure de bambin pour orner ses sachets et en faire de la pub.

eho_emilie5nAlors, au fil des pages, ce fauteuil de barbier s’apparenta à un divan de psy ou celui occupé par les invités de Marc-Olivier Fogiel sur France 3. Le supermarché s’appela « Le Bonheur » et le fauteuil devint l’oreille de cette cité poussiéreuse du désert. Dans le fond, explique l’auteure, on y entrait pour vider son sac, pas pour le remplir.

Tout en buvant de la « pisse de coyote », à savoir un café infâme, Tom Elliott vit s’élever, juste en face de chez lui, un supermarché ultramoderne, « La Corne d’abondance ». On y vendait de tout, même et surtout du pop-corn fabriqué à quelques kilomètres dans l’usine qui, non seulement, broyait le maïs, mais aussi ses ouvriers.

Fleur, la vieille amie de Tom Elliott, une ancienne géologue qui vidait une bouteille de whisky par jour, lui dit : « Il faudrait être magnifiquement con pour continuer à faire ses courses, chez toi. » Longtemps, elle resta la seule cliente du « Bonheur » dont le patron menait un combat pour survivre, voire vivre, mais que pouvaient faire deux antiques ventilateurs au plafond face à la climatisation ?

Sous les allures d’une description burlesque et d’une situation à la Clochemerle, Émilie de Turckheim pointe du doigt des concepts humains d’une rare violence : l’anéantissement de la culture et de la population amérindiennes, et les rapports totalement opposés face à la consommation et au mode de vie imposés par les multinationales.

 

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