jeudi, mars 28, 2024

Ardennes françaises mystérieuses (5/61) : BAZEILLES : Héros, fée à l’épée et châtelains

Bogny Pierre2012bisFTLes chroniques « Ardennes françaises mystérieuses, sacrées et insolites » sont inspirées de l’ouvrage et d’émissions de Pierre Guelff aux Éditions Jourdan, à la RTBF et TV5 Monde « Ardennes Mystérieuses, Insolites et Sacrées ».

 

Anciennement, Bazeilles, cette commune de quelque 2 000 habitants faisait partie de la Principauté de Sedan.

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Maison de la Dernière cartouche

Une bataille atroce

Au Moyen Âge, les seigneurs de Sedan étaient des vassaux du roi des Français, mais l’indépendance fut proclamée vers 1560. À ce jour, Bazeilles est internationalement connue car c’est dans cette ville que se déroula une bataille atroce (des milliers de victimes !) entre soldats Français et Bavarois lors du conflit de 1870. Une centaine d’hommes de la Division Bleue (1ère Division d’Infanterie marine réunissant des marsouins ou régiments de marche et des bigors ou régiments d’artillerie) résista jusqu’à l’épuisement total des munitions.

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Une terrible bataille de 1870.

À la « Maison de la dernière cartouche » (Musée des Troupes de Marine Française), un tableau d’Alphonse-Marie-Adolphe de Neuville (1836-1885), élève d’Eugène Delacroix, évoque ce fait héroïque, alors qu’au sud du cimetière, un imposant ossuaire contient les ossements de 998 Français et 1 061 Allemands tués les 31 août et 1er septembre 1870.

 

Loin, très loin, de ces faits tragiques, certaines légendes poursuivent néanmoins leur chemin à travers les siècles et, ainsi, il se dit que « sur un coteau, se dressait le château d’Orchas. Il appartenait à un seigneur qui semait la terreur dans toute la région traversée par la Meuse. Alors, la fée Mélissa lui jeta un sort et le fit dépendre d’une belle jeune fille… Cette dernière empoigna l’épée du seigneur et le tua ! »

Cependant, il existe plusieurs versions et relations à ce sujet.

Le seigneur en question s’appelait « Ochasse », selon Christophe Méchin, féru d’histoires ardennaises. Ochasse est décrit comme un homme particulièrement mauvais, violent, sans foi ni loi. Il avait pour habitude de violer une jeune fille vierge chaque nuit puis de laisser sa victime aux mains de ses soldats tout aussi immondes que lui. Soldats qui martyrisaient les jeunes filles jusqu’à la mort.

« Il fut puni par la fée Mélissa ! » conclut l’auteur.

La fée Mélissa ? Selon « L’Ardenne à Paris » (un agréable site où le sanglier et la Tour Eiffel font bon ménage : « Chascun est content du lieu où nature l’a planté » d’après Montaigne), la fée Mélissa fut la « Vierge à l’épée » qui vengea ses sœurs en tuant « Ochas ».

Des francs-maçons aux footballeurs

 À présent, attardons-nous quelque peu à un château célèbre à Bazeilles : le château de Montvillers. Il fut construit en 1770 par un architecte du Roi des Français, non loin d’une foulerie (atelier où l’on foulait les draps) et à l’emplacement d’un hameau aujourd’hui disparu. Son propriétaire, Jean Abraham André Poupart de Neuflize, était un riche drapier de Sedan.

En 1777, il aurait reçu dans son château de style néoclassique le marquis de La Fayette (1757-1834), héros de la guerre d’indépendance américaine et figure marquante de la Révolution française. Particularité dans l’architecture de ce château : une frise (décoration formant une bande continue) composée de sphinx, équerres et niveaux, des outils symboliques de la franc-maçonnerie.

La franc-maçonnerie est une très ancienne association internationale divisée en différentes obédiences (groupements) ou formée de « loges » dites indépendantes et souveraines qui s’appuie, entre autres, sur la Tradition, le Symbolisme et la Fraternité pour œuvrer dans la société et tenter de rendre celle-ci plus juste et plus humaine.

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Représentation d’un franc-maçon lors d’une exposition à Vresse-sur-Semois.

Ses membres sont des initiés qui « travaillent » à construire un monde meilleur et à se construire eux-mêmes. Quand on évoque la franc-maçonnerie, il est souvent question de « spiritualité humaniste » dirigée vers la société et qui est à son écoute.

 Examinons d’un peu plus près les symboles de la frise du château de Montvillers :

. Le sphinx : originaire d’Égypte, ce monstre fabuleux et mystérieux était représenté avec un corps de lion et une tête de pharaon, le souverain de l’Égypte Ancienne, et il était un symbole de puissance et de protection.

La statue la plus ancienne et la plus célèbre d’un sphinx est située près des pyramides de Gizeh, ville d’Égypte sur le Nil.

Par la suite, plusieurs modifications furent apportées à cette représentation.

Ainsi, parfois, il se compose du visage d’un homme, du corps d’un taureau, des griffes d’un lion et des ailes d’un aigle.

En lui, et au-delà d’autres interprétations symboliques, le sphinx porterait la devise du parfait franc-maçon :

– Homme : savoir avec intelligence, connaissance, vie…

– Taureau : se taire avec force, travail, résistance…

– Lion : vouloir avec ardeur, force, action…

– Aigle : oser avec audace, esprit, âme…

Le sphinx établit à Thèbes, ville de Grèce, proposait des énigmes aux passants et dévorait ceux qui ne pouvaient pas répondre, clame encore la légende.

En voici la plus connue :

« Quel est l’être qui parle, qui a quatre pieds le matin, deux à midi et trois le soir ? »

Il s’agit de l’homme qui marche à quatre pattes dans sa jeune enfance et s’aide d’une canne quand il est âgé.

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Un sphinx.

 

. L’équerre : de manière générale, cet outil symbolise l’équité, la justice, l’activité, le dynamisme, l’action de l’Homme sur la matière et sur lui-même…

. Le niveau : cet outil détermine l’équilibre, sert à égaliser (à ne pas confondre avec le nivellement des valeurs !)…

Le Château de Montvillers est passé de la maison de campagne à école, de salle d’asile à orphelinat, il a été racheté par le Conseil Général des Ardennes qui le partagea en deux : une partie occupée par le « Lycée hôtelier », une autre par le Club Sportif Sedan Ardennes afin d’y installer ses bureaux, un centre d’entraînement…

Hélas, un important incendie y fit de nombreux dégâts en 2004.

 Une autre énigme

À Bazeilles, il y a aussi les vestiges d’un château construit au XVIIe siècle par le Prince de Sedan, vicomte de Turenne. En 1870, il fut fort endommagé mais quelques éléments intéressants subsistèrent avec des fortunes diverses : pont-levis, porte ouvragée, galerie, jardins, mur et postes de tir…

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Croquis de la Ferme Turenne.

 

Une énigme fut relevée à ce sujet : « Au Moyen Âge, Bazeilles possédait probablement une maison forte. Son emplacement est-il celui de la Ferme Turenne ? »

Autre château, celui que l’on appelle parfois « Château d’Orival » construit au XVIIIe siècle. Résidence d’été d’un riche manufacturier sedanais, Louis Labauche, anobli par le roi Louis XV, ce chef d’œuvre architectural – également très abîmé par un incendie, mais en 1989 – a reçu la visite de personnalités de premier plan dont le Tsar Alexandre Ier et Guillaume Ier, empereur d’Allemagne.

 

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