mardi, avril 23, 2024

Ardennes françaises mystérieuses (49/61) : RIMOGNE : Le fantôme et la poule

2Les chroniques « Ardennes françaises mystérieuses, sacrées et insolites » sont inspirées de l’ouvrage et d’émissions de Pierre Guelff aux Éditions Jourdan, à la RTBF et TV5 Monde « Ardennes Mystérieuses, Insolites et Sacrées ». Musique du générique : « Le Réveil ardennais. »(youtube)

 

« À moins d’une vingtaine de kilomètres de Charleville-Mézières, une croix aurait été dressée dans le champ d’un fermier de Rimogne qui aurait tué sa femme, disait-on. Il l’avait rencontrée sous la forme d’un fantôme tout blanc et elle était accompagnée d’une poule noire qui, on le devine, était le diable ! »

Inutile de préciser que pareille « info » méritait d’en connaître davantage sur cette histoire, disons, « bizarre »…

Alors, parmi les multiples légendes ardennaises, j’ai trouvé celle de la « Femme de Maître Pierre  de Rimogne », que je vous livre de manière succincte :

« Maître Pierre devenait âgé et ses jours et nuits lui paraissaient de plus en plus longs. Alors, il décida de prendre femme et il se choisit une très belle jeune femme blonde aux yeux bleus et à la démarche quelque peu chaloupée. Bien sûr, dans la région, on la disait un peu sorcière à ses heures perdues. Médisance ? Rumeur ? Jalousie ? Fond de vérité ?

Rimogne1ft300Maître Pierre fit table rase de ces suspicions, épousa la jolie femme et ils vécurent quelques mois sous le signe du bonheur… jusqu’au jour où apparut une grosse poule noire dans leur maison. Et puis, une nuit, Maître Pierre constata que son épouse avait quitté le lit conjugal. Il se mit à la chercher dans la maison, puis à l’extérieur. Là, il crut l’apercevoir dans les bras d’un autre. Il s’arma d’un bâton et frappa… dans le vide. Un peu en retrait, la poule noire le regardait…

Il retourna dans sa couche et y trouva son épouse qui l’assura n’avoir pas découché !

Et, ce même phénomène étrange recommença. Alors, au lieu de se munir d’un bâton, Maître Pierre prit de l’eau bénite et en aspergea les deux silhouettes enlacées. Un énorme cri retentit aussitôt ! La poule noire resta seule… Maître Pierre la tua à coups de couteau.

Le lendemain matin, des voisins trouvèrent le cadavre de la jolie blonde aux yeux bleus, son époux, Maître Pierre, avait disparu et on ne le revit plus jamais. Les voisins élevèrent une croix pour marquer l’endroit du drame… »

Que l’on parle de fantôme dans cette légende, il n’est pas vain de rappeler certains propos à leur encontre, comme je l’ai déjà fait dans plusieurs de mes ouvrages.

L’Église mal à l’aise

« Les histoires de fantômes hant(ai)ent fortement l’esprit de nombreuses personnes depuis l’Antiquité, les Romains évoquant déjà des lémures, ou âmes des morts. Cette croyance, universelle, de morts revenant hanter le monde des vivants, met mal à l’aise l’Église qui, d’un côté, affirme l’immortalité de l’âme et, d’un autre côté, soutient la thèse d’apparitions « surnaturelles », tout en réfutant catégoriquement les affaires de revenants.

La littérature (plus spécifiquement ésotérique) tente de cerner ce phénomène d’apparitions étranges, dont, par exemple, l’Écosse raffole, ce pays étant même considéré comme une terre d’élection de fantômes.

Il y est question de silhouettes « moins précises que les revenants », de poltergeist (déplacements d’objets, flammes qui foncent vers une personne, sonnettes qui s’agitent, bruits de chaînes, bris de vaisselle…), de maisons hantées… À Champigny-sur-Marne, Sacha Guitry lui-même, aurait constaté, une nuit, que le château qui avait appartenu à Sarah Bernhardt était hanté : des pas retentissaient dans l’escalier d’honneur en deux temps. D’abord, celui, léger, d’un pied féminin, ensuite, le martèlement, sec, d’une jambe de bois. Or, Sarah Bernard avait été amputée d’un membre inférieur dans sa vieillesse…

Dans le cadre de mes activités journalistiques, j’ai couvert deux événements du type poltergeist, à Arc-Wattripont et en région carolorégienne. Les témoignages au sujet de « forces occultes » étaient impressionnants : déplacements de meubles, dégâts inexpliqués et troublants à l’intérieur des logis, bris de vitres, une personne prétendit même être en présence du démon, lorsque les objets semblèrent uniquement se diriger vers elle…

 

Une explication, plausible, à ces phénomènes dits paranormaux, vient d’un ecclésiastique (on sait que l’Église a ses propres prêtres spécialisés en exorcisme, donc que le phénomène n’est pas nié), Monseigneur Bencon (cité par Hemmert et Roudene, voir bibliographie) : « Qu’un drame se produise dans une certaine chambre, cela signifie qu’une tempête émotionnelle extraordinairement intense s’est déchaînée là, où deux personnes étaient enfermées : l’assassin et la victime… Alors, ne peut-on supposer qu’au moment du drame les murs mêmes, le parquet, le plafond, les tentures et les meubles puissent absorber (égrégore) quelque chose d’analogue à une impression d’horreur, susceptible de persister ? Eh bien, supposons qu’après un certain temps une personne extrêmement sensible vienne dormir dans la chambre en question… Il lui arrivera de se réveiller en sursaut ; elle entendra les cris de la victime, se sentira envahie de frissons mortels et sentira même le contact de mains inexistantes. »

 

D’autres spécialistes font état « d’hallucinations provoquées par un fluide adhérent aux objets matériels », « d’hypothèse psychométrique »…

Mais, alors, qu’en est-il lors de visions collectives ? Domaine du rêve et du folklore ? Domaine d’une froide réalité ?

Il n’est, effectivement, pas toujours possible de parler d’illusion pure, d’erreur, d’autosuggestion, de phénomène de hantise…, et, ce n’est pas sans raison que les autorités universitaires demandèrent au professeur Jean Dierkens, docteur en médecine, psychiatre, spécialiste du paranormal, de prendre en charge l’étude de ces phénomènes à l’Université de Mons-Hainaut-ULB, et qui me dit : « Je pense que l’univers est beaucoup plus riche que ce que la science académique nous en dit. »

 

Le retour du fantôme

 

Les fantômes, les spectres, viennent-ils de l’au-delà ? Sont-ils sur le point de s’y rendre ? Sont-ce des ombres du passé ? Je laisse aux spécialistes le soin de répondre, tout en constatant que, déjà, au temps de Job (Livre de Job, IV, 14-16, de la Bible) il en était spécifiquement question : « La peur me saisit, et un tremblement secoua tous mes os. Alors qu’un esprit passait devant ma figure, les poils de ma chair se hérissèrent. Il demeura immobile, mais je ne pus discerner sa forme. »

Mais, il existait une autre version de cette histoire de Rimogne contée en début de ce chapitre…

Ainsi, une femme du nom de Potentille aurait épousé un briquetier. Ils eurent trois beaux enfants, racontait-on.

Malheureusement, ceux-ci et leur père furent tués par un voyou, Potentille échappant au massacre.

Alors, elle se réfugia chez le seigneur de Montcornet. Il l’installa dans une bâtisse près de l’étang d’Oby. Elle allait souvent pleurer devant un monument de pierre qui avait été dressé en mémoire des victimes du tueur. Il se dit, encore, que son fantôme y revenait parfois…

 

Aux amoureux d’art sacré, je recommande le très intéressant blog et le livre (« Églises des Ardennes, histoires et anecdotes des édifices religieux ardennais » paru aux Éditions Jacques Flament) de Raphaël Huertas (« Un Parisien devenu un Ardennais de cœur… ») consacrés au sacré ardennais. Parmi une multitude de renseignements, j’ai trouvé cette anecdote au sujet de l’église de Rimogne : « Rimogne comptait plusieurs châteaux. L’un d’eux fut vendu pour payer la rançon de François Ier après la défaite de Pavie. »

 Rire la bouche pleine

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L’ardoise, matière noble pour des édifices sacrés, publics…

 

Rimogne est l’un des plus anciens villages ardennais, l’ardoise y était extraite par les moines dès le XIIe siècle et sainte Barbe y est encore vénérée (à l’église Saint-Brice – XIXe siècle – entre autres), alors qu’au carreau Saint-Quentin une plaque rappelle le sacrifice de nombreux ardoisiers morts lors des deux guerres mondiales, que de nombreuses friches industrielles peuvent encore se voir dans cette cité qui abrite, tout naturellement, la « Maison de l’Ardoise » (outils, photos, chevalement – charpente supportant un dispositif d’extraction -, puits, statues…).

Mais, d’où provient de nom de « Rimogne » ? Une légende – encore une ! – prétend que deux ouvriers ardoisiers étaient occupés à manger, l’un étant un « étranger » au village, qui, un midi, se moqua ouvertement de son collègue mangeant la bouche pleine tout en rigolant : « Il ri et mougne… » (« Il rit et mange »), mais Rimogne a vécu sous d’autres noms : Rimonium, Rimoigne, Rumogne…

 

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