jeudi, mars 28, 2024

Le cœur sauvage de Robin McArthur (Albin Michel)

« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.

Quand elle était petite, Sally était la préférée de son père, bûcheron : « L’été, il me hissait sur ses épaules et m’emmenait dans les bois, m’apprenait le nom des arbres, me montrait comment détacher l’écorce des sassafras pour la mâchonner, et comment récolter la sève d’érable au printemps. « Il faut être reconnaissant envers ces bois, pas les saloper, répétait-il. Alors, traite-les bien. »

Sally la rouquine a grandi, s’est mariée à Ton qui fit de plantureuses affaires dans l’immobilier : « Tu es un profiteur, un salaud de riche et de paysan parvenu ! » lui avait asséné le père de Sally. La raison de cette colère ? Ron achetait des terres pour quelques dollars, y faisait raser les arbres et construire des maisons clés en main avec de plantureux bénéfices pour son  compte en banque. Il n’était donc pas bien vu dans cette région du Nord-Est américain.

Ce préambule pour dire que « Le cœur sauvage » de Robin McArthur paru dans la collection « Terres d’Amérique » chez Albin Michel, est un extrait de l’une des remarquables nouvelles où, à chaque page, on sent battre le cœur de ses habitants, on devine l’odeur des résineux, de la bière qui coule à flots, des champs à perte de vue, on s’imprègne du caractère de ces fermiers, artistes, anciens soixante-huitards, on voit des forêts immenses, des bleds et leurs cabanons branlants, on perçoit des amours, des colères, des révoltes, du racisme et de la solidarité, la misère culturelle ou un savoir-faire ancestral…

Sans conteste, les onze nouvelles de Robin Mc Arthur relèvent toutes de l’art, difficile et délicat, de conter l’âme humaine qui, alors, touche le lecteur de plein fouet.

Et, par ci par là, une petite phrase qui suspend notre lecture pour réfléchir davantage à sa signification profonde : « Ce qu’on apprend en travaillant toute sa vie au milieu des arbres et des animaux, c’est qu’il faut que quelque chose meure pour qu’autre chose pousse à la place. » Et, au final : « Ces grillons qui stridulent de plus belle, partout. Toujours ce même vieux, très vieux chant d’amour. »

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