jeudi, mars 28, 2024

Géant Monsanton contre petit poucet Népalais !

« Sans l’aide de la science, nous ne pourrons pas répondre aux besoins alimentaires croissants de notre pays », juge, quant à lui, Dr Bhola Mansingh, qui a travaillé toute sa vie au NARC, Centre pour la recherche agricole népalaise. Le Népal importe en effet la moitié des 270 000 tonnes de maïs qu’il consomme chaque année. M. Mansingh favorise donc un « juste milieu » entre contrôle des semences « non naturelles » et préservation du patrimoine népalais qui, par exemple, recense 2 964 variétés locales de riz. « Notre situation alimentaire est très difficile, mais il n’y a pas de drame ; les fermiers ont toujours eu des mécanismes pour réagir, assure Hari Dahal. Les organisations occidentales exagèrent en faisant un portrait catastrophique du Népal pour leurs propres stratégies. Nous sommes mieux classés que l’Inde sur l’indice de la faim. Dans les zones très touchées, le PAM (agence onusienne du Programme alimentaire mondial) organise des distributions de nourriture. »

Concernant les réactions liées à « l’affaire Monsanto », le représentant local de la multinationale, Kiran Dahal, a déclaré à la presse que : « Les paysans népalais utilisent déjà des semences hybrides. Nous essayons juste de les soutenir. » USAID, de son côté, a livré un commentaire sur Facebook pour signaler qu’il n’y avait « aucun nouveau programme » de maïs hybride… Mais contacter ces responsables pour essayer d’y voir plus clair n’est pas une mince affaire. C’est en se postant devant l’ambassade américaine et en refusant d’en partir que Le Point parvient à être mis en relation avec un chef de projets d’USAID. Ce sera dans une petite buvette, sur le trottoir d’en face. Thomas Kress, le représentant, n’est « pas au courant des détails » mais confirme que « l’accord existe », pour un projet « qui aura lieu d’ici un an ». Et il laisse échapper en finissant son thé : « Personne n’a jamais rien dit quand on fait la même chose au Pakistan ou au Bangladesh ! Pourquoi tant d’histoires au Népal ? »

Face à la polémique, l’ambassadeur des États-Unis au Népal, M. Scott H. Delisi, a pris sa plume. Dans une note postée le 2 décembre sur sa page Facebook, il se fait le défenseur des semences hybrides et déplore la confusion populaire établie avec les OGM. Il assure : « Le débat ne concerne pas le rôle d’une seule compagnie, mais l’avenir du développement agricole au Népal. » Implicitement est défendue l’idée que le Népal, en refusant les semences hybrides, refuserait le progrès en faveur de la sécurité alimentaire. De la même façon, l’argumentaire de Monsanto s’appuie en Asie sur le principe que ses produits incarneraient des « solutions » face à de graves périls.

« Tous mangés »

Alertés, les députés népalais ont demandé au ministère de l’Agriculture d’apporter, le 11 décembre, des explications. « Avons-nous vraiment besoin du savoir agricole occidental ? » a alors interrogé un député. « N’allons-nous pas perdre nos variétés locales ? » s’est inquiété un autre. « Et comment faire la différence entre hybrides et OGM ? » Une question que pose aussi Hari Kumar Shrestha, le seul Népalais à avoir une expertise en contrôle des OGM : « Il y a peut-être déjà des contaminations d’OGM au Népal, notamment avec le coton. Si l’Europe a des puissants systèmes de contrôle, ici nous n’avons pas de laboratoire fonctionnel. »

En fin de session, admettant d' »énormes pressions », le porte-parole Hari Dahal a lancé aux députés : « Si une compagnie comme Monsanto vient au Népal, alors nous serons tous mangés. » Et de conclure : « L’aide devrait consister à nous épauler pour développer nos propres semences hybrides au lieu d’en importer. » Les députés se sont gardés de trancher. Ils demandent la présentation d’un nouveau rapport d’enquête en janvier 2012. Pour l’heure, nul ne sait quel sort sera donné au projet.

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