jeudi, mars 28, 2024

Violence des pacifiques de Roger Schutz (Presses de Taizé)

Texte augmenté par rapport au podcast.

Mes pérégrinations bourguignonnes restent marquées par la visite d’un lieu d’ouverture, de dialogue, et, paradoxalement, d’une violence extrême.

En 1940, Roger, un Suisse de 25 ans décide d’aller en France compatir avec les populations occupées. Son idéal généreux a pour point de chute un village du Mâconnais où il est chaleureusement accueilli. Son discours est (et restera) d’une grande sagesse. Il s’occupe de nombreux réfugiés juifs avec sa sœur Geneviève, puis il vient en aide à des prisonniers de guerre allemands, enfin, il rassemble autour de lui des personnes qui ressentent son idéal de réconciliation entre les hommes.

Durant les événements de mai 1968, il tient des propos qui m’intéressent au plus haut point :

« Jusqu’à présent, les jeunes ont été trop mis de côté. Ou bien tous ensemble nous construirons une société nouvelle, ou bien il y aura un divorce entre deux sociétés parallèles, et il nous restera, à nous les aînés, que l’attente de notre mort dans l’isolement, dans l’ennui et l’abondance des sociétés de consommation (…) Entre une société de consommation à l’américaine et celle de la bureaucratie de tant de pays européens, il y a place pour une société de participation (…) La colère des révoltés donne raison à ceux qui ne veulent pas les mutations (…) La violence des pacifiques est créatrice, elle révolutionne les hommes par le défi qu’elle pose, les oblige à prendre position, c’est celle, par exemple, de crier notre indignation. La violence des pacifiques brise les réactions en chaîne des puissances de notre temps, celles qui camouflent une intolérable violence, la domination des pauvres (…) L’assassinat de Martin Luther King me pousse à chercher un sens à ma mort… » (1)

Ces paroles (qui, avec le recul de plus de quatre décennies, m’apparaissent d’une grande prémonition), sont prononcées par Roger Schutz, mieux connu sous le nom de Frère Roger. Il est le fondateur de la Communauté de Taizé.

À trois reprises, je me rends en ce lieu afin de tenter de mieux comprendre sa démarche. Peu de temps après ma dernière visite, c’est la stupéfaction : « Le 16 août 2005, alors qu’il participe comme chaque soir à la prière commune avec des centaines de jeunes venus à Taizé, le Frère Roger (90 ans) est mortellement poignardé par une femme déclarée déséquilibrée. »

Quelques jours auparavant, j’ai déambulé en cet endroit dans un calme et une sérénité impressionnants…

Si cette terre de fraternité de Taizé est a tout jamais marquée par ce drame, la communauté poursuit son inlassable travail de réconciliation et d’accueil. Une tâche qui paraît de plus en plus ardue à l’aube du dixième anniversaire de la disparition tragique de Frère Roger.

 

 

[1] « Violence des pacifiques », Roger Schutz, prieur de Taizé, Les Presses de Taizé, France, 1968.

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