jeudi, mars 28, 2024

Pierre Rimbert (Le Monde diplomatique) : L’info pour les pauvres, l’info pour les riches

Attention ! La chronique qui suit va déranger ! Du moins, ceux qui, naïvement, clament encore que « c’est dans le journal, donc c’est vrai ! »

Pierre Rimbert.

Rencontrer et écouter Pierre Rimbert du « Monde diplomatique »[1] durant plus d’une heure sur le thème de la liberté de la presse (conférence à l’IHECS, école de journalisme et communication, Bruxelles, le 9 novembre 2017), c’est vivre une plongée structurée et implacable qui demande quasiment un engagement immédiat afin que certains décideurs et politiques arrêtent de prendre les citoyens pour des sous-développés intellectuels et culturels !

Première question à Pierre Rimbert : qui possède la presse (en France, et c’est valable pour d’autres pays, bien entendu) ?

– De gros industriels, des milliardaires, de grandes familles. Avec ces dernières, on peut parler de féodalité héréditaire et transnationale.

Pourtant, on dit que la presse va mal ? Dès lors, pourquoi achètent-ils des journaux qui coulent, par exemple ?

– Parce que c’est une accessibilité au pouvoir. Et les patrons de presse savent très bien que les politiques vont venir manger dans leurs mains !

Quelques exemples édifiants

Pierre Rimbert évoque quelques exemples précis pour corroborer cette entrée en matière et poursuivre sur la mainmise de ces patrons de presse  à divers niveaux :

  • TF1 ne parlera jamais des problèmes de bétonnage défectueux dans les centrales nucléaires, puisque c’est le constructeur Bouyghes qui est également le patron de la première chaîne d’Europe du JT de 20 heures ! Canal+ n’évoquera pas le sort des ouvrières dans certaines usines dont Bolloré est aussi le patron. Quant au Figaro, il ne tarira jamais assez d’éloges sur la vente d’avions construits par Dassault, propriétaire de ce média.

Alors, leur politique est la suivante : on va faire ce qui intéresse les gens, car ça nous rapporte de l’argent ! C’est la censure par l’audience. Ils vont diminuer les budgets pour des reportages d’investigation pour faire place, par exemple, à un Cyril Hanouna, payé quelque 250 millions d’euros !

Et la déontologie journalistique dans tout ça ?

  • Eh bien, quand vous êtes propriétaire d’un journal, vous nommez des rédacteurs en chef et des directeurs éditoriaux qui ne vous contrediront pas ! À vrai dire, les médias peuvent à présent se vendre ou s’acheter comme des bottes de poireaux, car l’info est devenue une marchandise !

Et ce n’est pas tout…

  • L’info est devenue 64% du copié-collé, 40% des Américains lisent les informations sur Facebook, qui les filtrent, bien sûr, malgré leur slogan : « On distribue les « bons » messages ! », ce qui, à vrai dire, leur fait dix milliards (de dollars) de recettes par semaine ! Et puis, voici certaines rédactions qui confient à des robots l’information. Ils sont basés sur des algorithmes qui mesurent la densité des sujets minute par minute en fonction des recherches opérées par les gens sur les moteurs de recherche !

(re)trouver une info de qualité ?

Trois acteurs d’une presse libre et indépendante : de gauche à droite, Pierre Guelff (« Fréquence Terre »), Jean-Claude Garot (« POUR ») et Pierre Rimbert (« Le Monde diplomatique »).

Si on ne change rien, si on ne refonde pas la presse, adieu, donc, à une information de qualité !

– Je constate que les commentaires de presse sont encore fort prisés par des lecteurs et c’est la preuve que des gens sont intéressés par le véritable travail journalistique. Il faut donc profiter de la masse d’informations et trois interventions sont à envisager :

  1. Faire savoir ce que je viens de vous dire !
  2. Soutenir la presse indépendante du « Monde diplomatique » à « POUR » en passant par des radios (« Fréquence Terre ») qui osent faire de la vraie info sans contrainte aucune et qui prônent la liberté d’expression, en somme.
  3. S’appuyer sur les deux points précédents pour revendiquer que la presse qui est aux mains de « puissants » en tienne compte, eux y compris !

En conclusion (provisoire) : pas question d’une info « banale » pour les pauvres et une info de « qualité » pour les riches !

[1] Membre d’Acrimed (ActioncritiqueMédias) et auteur de « Libération, de Sartre à Rothschild », Liber-Raison d’Agir (2005).

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