vendredi, avril 19, 2024

« Laisse tomber les filles » de Gérard De Cortanze (Albin Michel)  

 

« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.

Enfant de l’après-Seconde Guerre mondiale, je suis, donc, un baby-boomer qui, au fil du temps et des aléas de la vie, s’est parfaitement retrouvé dans des personnages et des situations du roman « Laisse tomber les filles » de Gérard De Cortanze, publié chez Albin Michel.

Inutile de préciser que les yéyés, traduisez « Nous sommes jeunes », selon Edgar Morin, philosophe et sociologue, j’ai bien connus ! J’y ajoute « Salut les Copains » (Générique de l’émission et couverture DVD : éditions Montparnasse), l’émission mythique d’« Europe 1 », que je devais écouter en cachette, puis « Campus » de Michel Lancelot, Mai 68, le combat ouvrier, ensuite la crise pétrolière pour mettre fin aux « Trente Glorieuses », comme disent les historiens. Mais, cette période de 1945 à 1973, « d’une exceptionnelle prospérité », prétendent-ils, ne l’était pas pour tout le monde.

Ancien ouvrier d’usine avant un radical changement de parcours professionnel, comment ne pas être d’accord avec l’auteur quand il décrit la classe ouvrière à laquelle j’ai appartenu comme suit : « Un monde où règnent la peur, les accidents du travail, les conflits sociaux, les fours qui explosent, la mort des ouvriers maghrébins respirant à pleins poumons la poussière de graphite… » ?

Mais, avant cette réalité, il y eut, effectivement, le temps des copains, la nouvelle vague, celle qui allait balayer beaucoup de choses sur son passage.

Un nouveau monde prenait naissance. Entre parents et ados, « c’était une véritable guerre de générations qui s’engageait » et certains éditoriaux tiraient à volonté sur cette jeunesse, qu’elle qualifiait de dépravée : « Salut les voyous ! », « Les blousons noirs envahissent la France »… Pourtant, nous écoutions Peter, Paul and Mary, Nina Simone, Jean Ferrat, censuré par le pouvoir, Léo Ferré et autres qui chantaient des hymnes à la paix, contre les guerres et les racismes, alors que certains découvraient le rock d’Elvis, de Vince Taylor, de Gene Vincent ou étaient des fans inconditionnels de Johnny, des « Chaussettes Noires » et de Sylvie, voire de Paul Anka, de Joan Baez, que tous revêtaient des jeans, gars comme filles, achetaient des 45 tours, et, surtout, que cette jeunesse en avait marre des interdictions, des restrictions, des brimades et des lois datant de Mathusalem et Napoléon qui brimaient le peuple.

Ainsi, durant 350 pages, l’auteur décrit avec une précision chirurgicale, et pour cause, ne déclara-t-il pas que « tout roman était autobiographique » (« Le Soir », janvier 2018) ?, le destin de François, rocker que les trips tentaient, Lorenzo, l’intello et sportif accompli, grand ami d’Antoine, fils d’ouvrier et gauchiste dans l’âme – ce qui n’est pas une tare, hein ! -, mais, aussi, de Michèle, féministe en herbe, dont tous les trois étaient épris et qui, dès ses 15 ans, envoya balader les amies et amis de ses grands-parents, qu’elle adorait, au motif qu’il s’agissait de « vieux cons » !

La rupture des générations s’étendait. Qu’en resta-t-il ? Que devint ce quatuor et tous les autres yéyés et rockers ? Avec « Laisse tomber les filles », vous avez un superbe ouvrage pour vous le raconter et, éventuellement, un triple CD de musique des années 60.

Quand la réalité rejoint la fiction, en somme ! J’en suis un témoin encore vivant !

Le soir du 7 janvier 2015…

Et puis, et puis…, des premiers chapitres où je lis : « Les ambitions et les rêves de la jeunesse alimentent la morale véritable d’une société que la génération des yéyés est en train de bouleverser » à « Trois amis autour d’une même fille. Tous trois secrètement amoureux. Chacun d’eux prêt à renier les deux autres pour ne garder que la seule petite amoureuse qui a bien compris tout le pouvoir qui était désormais le sien », on se demande tout ce que cela va donner. Ne retombe-t-on pas dans les clichés et les comportements d’avant la révolution yéyé ?

Les derniers courts chapitres des 436 pages de ce livre, également formidable sur le plan de l’analyse sociétale, poussent littéralement le lecteur à découvrir la suite réservée à ces baby-boomers et soixante-huitards. Sont-ils aussi devenus des « Je suis Charlie » ?

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.