Durant des décennies, dans des articles, ouvrages, émissions radiotélévisées, conférences…, j’ai évoqué la cathédrale Notre-Dame de Paris, plus spécifiquement le remarquable chef-d’œuvre que nous transmirent les Compagnons-Bâtisseurs ou francs-maçons opératifs, exceptionnels artisans du Moyen Âge et leurs successeurs.
Construite à dessein sur un lieu « telluriquement » fort, elle était à l’image de leur devise : « La main est le prolongement de l’esprit ».
En faisant remarquer que le flot de visiteurs était dirigé à contresens des énergies, celui des aiguilles d’une montre, je soulignais aussi que plein de messages des imagiers moyenâgeux étaient taillés à l’extérieur de l’édifice et échappaient au circuit touristique balisé.
Ainsi, la toute petite représentation de la Connaissance (ou de la Philosophie, selon d’autres approches) au bas du trumeau central où une dame assise, les cheveux à l’horizontale signifiant les ondes telluriques, tenant deux livres, un ouvert (contrairement de ce qui a été dit par erreur sur antenne et dans le podcast) représentant l’exotérisme, un fermé (idem) signifiant l’ésotérisme, partie de la philosophie inconnue des profanes, une échelle à neuf barreaux posée sur sa poitrine, neuf étant le nombre de la Connaissance, cette petite sculpture, donc, était un subtil message indiquant que l’on se trouvait sur un lieu fort, qu’après avoir assimilé les notions des deux ouvrages et gravi les échelons, la Connaissance était au bout du chemin initiatique.(**)
Il y avait aussi le souvenir des Templiers où le procès inique se tint sur le parvis, où les Bâtisseurs arrêtèrent l’édification des tours par solidarité avec ces suppliciés par le pouvoir royal avec la bénédiction papale, également le « Ça ira, ça ira » de la Révolution et puis, Victor Hugo, Quasimodo, Esmeralda…
L’écrivain qui avait magnifié (*) cette cathédrale, avait, en visionnaire, décrit l’incendie de ce chef-d’œuvre dans Notre-Dame de Paris :
« Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Ce qu’ils voyaient était extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée. Au-dessous de cette flamme, au-dessous de la sombre balustrade à trèfles de braise, deux gouttières en gueules de monstres vomissaient sans relâche cette pluie ardente qui détachait son ruissellement argenté sur les ténèbres de la façade inférieure. À mesure qu’ils approchaient du sol, les deux jets de plomb liquide s’élargissaient en gerbes, comme l’eau qui jaillit des mille trous de l’arrosoir. Au-dessus de la flamme, les énormes tours, de chacune desquelles on voyait deux faces crues et tranchées, l’une toute noire, l’autre toute rouge, semblaient plus grandes encore de toute l’immensité de l’ombre qu’elles projetaient jusque dans le ciel. Leurs innombrables sculptures de diables et de dragons prenaient un aspect lugubre. La clarté inquiète de la flamme les faisait remuer à l’œil. Il y avait des guivres qui avaient l’air de rire, des gargouilles qu’on croyait entendre japper, des salamandres qui soufflaient dans le feu, des tarasques qui éternuaient dans la fumée. Et parmi ces monstres ainsi réveillés de leur sommeil de pierre par cette flamme, par ce bruit, il y en avait un qui marchait et qu’on voyait de temps en temps passer sur le front ardent du bûcher comme une chauve-souris devant une chandelle. »
En ce 15 avril 2019, la réalité dépassa la fiction, mais place, à présent, à la reconstruction-restauration grâce à la maîtrise des Compagnons-Bâtisseurs et artisans contemporains, dignes successeurs de leurs collègues d’il y a sept à neuf cents ans.
(*) En 1831, date de l’édition de Notre-Dame de Paris, Victor Hugo attira l’attention sur l’état « inadmissible » du monument. En juillet 1845, la restauration fut votée et l’écrivain avait atteint son but !
(**) Cette sculpture a été sauvée des flammes du 15 avril 2019.
Photo incendie : prise d’écran JT de TF1
Texte Victor Hugo : Le SoirMag
Musique : Michaël Mathy.
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