mercredi, avril 24, 2024

Cabu, l’homme qui dessinait librement

Cinquième année que Cabu nous manque (et tous les autres de Charlie Hebdo abattus le 7 janvier 2015). Fécond dessinateur de presse, amoureux inconditionnel du jazz, militant pacifiste, son ami Jean-Luc Porquet, auteur de Cabu, une vie de dessinateur paru chez Gallimard, écrit qu’il « était toujours du côté ensoleillé de la rue », néanmoins qu’un an avant sa tragique disparition, il avait confié « être optimiste mais qu’il pensait tous les jours à la mort ».

Dès les années soixante-dix, j’ai apprécié Cabu (1938-2015) qui, avec Cavanna, Reiser, Wolinski et d’autres, firent l’essence même de Charlie Hebdo et lui donnèrent une dimension jamais égalée, selon moi.

Avec le recul, je me rends compte de hasards ( ?) de l’existence qui me firent mettre mes pas dans ceux de Cabu puisque, objecteur de conscience et coopérant technique de 1969 à 1971 à Bejaïa, cité de Kabylie, ce fut précisément là que Cabu fit partie d’un régiment semi-disciplinaire en 1958, et écrivit à sa sœur : « Je suis entouré d’abrutis, aussi bien gradés que deuxième classe. »

Invité à décorer une école maternelle de Constantine, il y glissa un éloge à la désobéissance en pleine Guerre d’Algérie, une façon de s’élever contre le rôle « criminel et non pacificateur » de l’armée française, alors qu’il clama aussi qu’il comprenait le désir d’indépendance « parfaitement légitime » des Algériens, allant jusqu’à en faire part à un gradé en lui spécifiant que les autochtones étaient chez eux.

Son antimilitarisme se forgea également à la vue d’un hélicoptère français balançant dans le vide des résistants algériens « pour s’en débarrasser » et, parce qu’il était dans la colonne de troufions en montagne obligés de la gravir et d’apporter des jerrycans d’eau au sommet sous le cagnard car, un hélico ne pouvait s’y poser… sauf pour un général apportant au colonel qui dirigeait les soldats une bouteille de champagne frais !

En 1976, dans la canicule, Cabu et moi faisions partie des centaines de participants à la « Marche internationale non violente pour la démilitarisation » entre Metz et Verdun durant une semaine et nous scandions « Plus jamais ça » en passant près des milliers de tombes et autre ossuaire sous les cris de nervis nous traitant de « poules mouillées », « gonzesses », « dégonflés ». Ce qui fit dire à Cavanna : « Ce qu’ils nous reprochent, c’est de ne pas aimer tuer ; la guerre est leur grande fête de la virilité ».

Près de trois décennies plus tard, Cabu tombaient sous les balles et Jean-Luc Porquet releva qu’il avait été assassiné « pas par un braqueur ou un fou, mais très exactement pour ce qu’il était, un homme qui dessinait librement ».

Dessins : Cabu (armée et champagne), couverture de Cabu, une vie de dessinateur et Xavier Lambours (Marche Metz-Verdun).

Musique : Robot de Michaël Mathy, http://www.michaelmathy.be/#music.

Très intéressante émission sur Radio Libertaire :

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