mercredi, mars 27, 2024

En France, « il y a encore une énorme bataille pour que le droit à l’eau soit reconnu »

Dimanche 22 mars aura lieu la Journée mondiale de l’eau, une journée instituée par les Nations Unies en 1993.

Cette journée est l’occasion pour de nombreuses associations et pour la société civile d’attirer l’attention sur les enjeux de l’eau. C’était le cas notamment lors de l’Assemblée des Habitants de la Terre qui s’est tenue le mois dernier.

Avec Marion Veber, responsable des programmes à la Fondation France Libertés

Les 21 et 22 février dernier s’est donc déroulée cette Assemblée des Habitants de la Terre. C’était à Aiffres, dans les Deux-Sèvres. Cette assemblée était consacrée notamment à l’eau, bien commun de l’Humanité, à son accaparement, et aux solutions pour sa sauvegarde. Tout d’abord, qu’est-ce que cette Assemblée des Habitants de la Terre ?

« C’est en lien avec un processus qui s’appelle l’Agora des habitants de la Terre. Ce sont des processus autonomes, spontanés. L’idée est de mettre en avant la responsabilité de l’Humanité dans la destruction de l’ensemble du vivant et d’essayer de trouver des solutions pour changer radicalement le système qui provoque cette destruction. Il faut réfléchir ensemble, associations, individus, et constituer cette Agora. Elle doit être une sorte de contre-pouvoir aux Etats, aux multinationales, et aux instances qui décident de tout. Cette Agora doit être force de proposition en ayant l’audace de réaliser ces mutations radicales. »

Un des objectifs affichés de cette Agora est de « modifier le devenir de la Terre et le sortir de l’état critique auquel nous l’avons réduit ». C’est-à-dire ?

« Il y a plusieurs facteurs bloquants qu’on va essayer de déverrouiller au fur et à mesure. Il s’agit de dépasser la souveraineté nationale. Aujourd’hui, la souveraineté nationale, le fait que ce soit les Etats qui aient la main mise sur les ressources naturelles, empêche d’être dans une coopération entre Etats, entre différents écosystèmes. On est plutôt dans une logique de compétition, de course au profit. C’est un premier facteur qu’on va essayer de déverrouiller. On va aussi se dire, remettons en avant la sacralité de la vie. C’est essayer de réinterroger ce qui nous conduit dans le mur et de proposer des solutions. »

L’eau menacée

L’eau a donc été au cœur de l’Assemblée des Habitants de la Terre le mois dernier. Il a notamment été question de l’accaparement de la ressource.

« C’est une des menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’eau. On a certains acteurs qui vont s’accaparer l’eau. L’assemblée avait lieu à Aiffres, dans les Deux-Sèvres, où il y a un énorme enjeu de l’accaparement de l’eau pour l’agriculture intensive. Ce sont les projets de bassines, des sortes de réserves géantes, remplies d’eau. Mais elles ne sont pas remplies d’eau de pluie. On vient pomper massivement dans les nappes souterraines en hiver dans l’optique que l’été, on puisse irriguer massivement les cultures intensives. On est sur une agriculture qui n’est pas soutenable. Pour l’alimenter, cela implique de s’accaparer massivement des énormes quantités d’eau des nappes souterraines et mettre en péril le droit à l’eau des autres populations. Cela met en péril les autres agriculteurs de plus petites échelles ou qui souhaitent être dans une logique bio et qui n’auront pas ces réserves d’eau. C’est une logique d’accaparement que l’on retrouve en Afrique où on de l’accaparement des terres par les multinationales, pour des projets industriels, mais aussi l’accaparement de l’eau pour, là encore, de l’agriculture intensive mettant à mal l’agriculture de subsistance des populations. »

1,4 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau en France

A cette Assemblée des Habitants de la Terre, vous avez notamment défendu, au nom de France Libertés, la nécessité d’un droit universel de l’eau et d’un droit à l’eau. L’Onu a adopté une résolution en ce sens il y a 10 ans déjà, le 28 juillet 2010. On est encore loin de l’effectivité de ce droit. Il y a besoin encore de le clamer ?

« Malheureusement, oui. On a toujours 2,2 milliards de personnes dans le monde qui n’ont pas accès à des services d’eau correct, 7,2 milliards de personnes qui n’ont pas accès à un assainissement correct. Ce sont des chiffres hallucinants. L’eau est au cœur de toute vie. Il y a encore une énorme bataille pour que le droit à l’eau soit reconnu. Ce qu’il faut souligner, c’est qu’en France, il y a aussi des énormes enjeux qui sont peu visibles. Quand on pense à l’accès à l’eau, on a tendance à avoir en tête les pays dit en développement. Mais en France, on estime à 1,4 millions de personnes qui n’ont pas accès à l’eau, et notamment dans les outremers. Donc il y a de vrais enjeux. Et c’est tout le travail qu’on fait avec une campagne qui s’appelle « l’eau ne se mérite pas, c’est un droit ». L’idée est de se dire que, si l’eau est un droit humain, alors pour en jouir, cela ne doit pas être conditionné à notre capacité à payer ou à notre niveau de vie pour avoir accès à ce droit. Normalement un droit humain, il est là de manière directe, pour tous, quel que soit sa condition. »

Les premiers litres d’eau qui concernent notre dignité devraient être gratuits

Cet enjeu de l’eau, la Fondation l’a porté lors de la campagne des municipales. Les communes ont des leviers pour faire valoir ce droit ?

« Les communes sont un échelon extrêmement important. Dans le cadre de la campagne, il y a eu la volonté d’aller vers les élus et les candidats pour qu’ils s’engagent sur certains enjeux pour réaliser le droit à l’eau au moins à l’échelle de leur territoire. Il y a des choses très basiques. C’est par exemple remettre des fontaines publiques en ville, remettre des toilettes publiques et gratuites pour faciliter l’accès. En France, on a beaucoup de populations sans abri, des migrants, des roms, qui n’ont pas un accès aussi aisé que le reste de la population. On peut aussi jouer sur la tarification. On invite les maires ou les futurs maires à se lancer dans des expérimentations de tarification qui soient le plus en adéquation avec la consommation d’eau, ou avec le revenu des personnes et des foyers. Idéalement, à notre sens à la Fondation, pour ce qui concerne l’aspect vital – les premiers litres d’eau qui concernent notre dignité, pour la boisson, la cuisine, la toilette – ils devraient être gratuits. Ce devrait être la collectivité qui prend en charge ces premiers litres d’eau. Ensuite il peut y avoir une tarification progressive. Il y a certaines communes qui se mettent dans cette dynamique, on les salue. On espère que ce sera le cas pour d’autres après les municipales. »

Pour aller plus loin :

 

 

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