mardi, avril 23, 2024

Coronavirus : pour les peuples autochtones, il y a « un arrière-goût de déjà-vu »

La pandémie de coronavirus a déjà fait plus de 420 000 morts dans le monde depuis son apparition en Chine en décembre. Près de la moitié de ces décès ont eu lieu en Europe. Si en France la situation tend à se stabiliser, et que la circulation du virus semble décliner, il reste dans le monde des zones où l’inquiétude demeure.

C’est le cas notamment dans les régions où vivent de nombreux peuples autochtones. Depuis très longtemps, leurs conditions de vie ont été précarisées par de multiples menaces liées à la colonisation. Mais l’arrivée du Covid-19 les rend encore plus vulnérables et rappelle leur douloureuse histoire.

La pandémie de coronavirus affecte sévèrement l’ensemble des pays. Mais pour les peuples autochtones, ce genre de contamination n’est pas quelque chose de totalement nouveau.

« Malheureusement, cette pandémie a pour eux un arrière-goût de déjà-vu. Les processus de colonisation ont entrainé avec eux un certain nombre de maladies contre lesquelles les autochtones n’étaient pas immunisés. Cela a conduit à la disparition de nombreux peuples et à des taux de mortalité extrêmement importants. Il y a ce vocabulaire de génocide qui est assez présent, avec ce risque de retomber sur un génocide des autochtones. Ce qu’il faut rappeler, c’est que les épidémies étaient importées aussi bien par les colons, qui se sont appropriés les territoires de ces peuples, que par ceux qui exploitaient les ressources, l’or ou le caoutchouc, mais aussi par ceux qui cherchaient à les convertir au christianisme notamment. Les chiffres étaient glaçants. En Amérique latine, 90% des autochtones présents sur le territoire ont été décimés. En Guyane, on avait environ 36 peuples avant l’arrivée des colons. Aujourd’hui, il n’y a plus que six peuples. On voit qu’il y a un véritable traumatisme. Les autochtones continuent de porter cela en eux. Le terme de génocide revient souvent mais aussi l’idée de « nous sommes les survivants à ces épidémies« . Là, ils font face à une nouvelle vague et cela ravive beaucoup de peurs. »

Ils sont déjà en extrême fragilité. Le Covid-19 rajoute un danger supplémentaire ?

« Cela s’ajoute à tout ce que les peuples autochtones doivent déjà subir : les processus d’accaparement de leur territoire, d’exploitation de leurs ressources qui viennent fragiliser, polluer leur territoire, mettre à mal leurs droits fondamentaux comme le droit à l’eau. Il y a aussi les processus de discrimination. En fait c’est tout un corpus incroyable de menaces qui pèsent sur les autochtones. Et la pandémie vient s’ajouter. Comme ces autochtones, majoritairement, ont déjà des conditions de vie précaires, la pandémie ajoute un poids de plus. »

La pandémie aggrave la situation de peuples déjà fragilisés

Pourquoi sont-ils plus vulnérables que d’autres populations ?

« C’est un ensemble de choses. Ce sont des personnes qui ont malheureusement souvent une santé fragilisées. Aujourd’hui ce sont des communautés qui souffrent de malnutrition, de déficit immunitaire, de maladies chroniques, pour certain du diabète, d’obésité, de l’hypertension qui sont des facteurs aggravants face au coronavirus. Tout cela est lié au processus de colonisation qui les a contraint à la sédentarité, et fait devenir pour certain dépendants à des d’aliments très industriels. Et sans parler des pollutions. Cela à des impacts assez importants. On a des taux de cancers très graves, de maladies liés aux poumons. On peut aussi parler des peuples non contactés, qui sont des peuples autochtones qui ont choisi d’être en isolement et de ne pas entrer en contact avec « les blancs » et les autres populations pour se protéger. Ces peuples-là sont extrêmement vulnérables parce qu’ils n’ont pas les défenses immunitaires contre un grand nombre de maladies, dont le coronavirus en première ligne ».

Et il y a aussi les autochtones qui vivent en milieu urbain ou ceux qui ont été déplacés.

« Ce sont beaucoup d’autochtones qui sont généralement dans les quartiers défavorisés, dans les favelas, dans des quartiers surpeuplés, qui vont augmenter les risques de contagion, puisque la distanciation va être compliquée. Il s’agit souvent de quartiers qui n’ont pas accès aux services les plus élémentaires. Il y a aussi ceux qui vivent au bord des routes parce qu’ils ont été chassés de leur territoires. On peut parler des Guaranis-Kaiowa au Brésil, des Baka en République démocratique du Congo (RDC), ou de ceux qui vivent dans les camps de réfugiés. L’autre problème est celui de l’accès aux soins. Aux Etats-Unis, la Nation Navajo est la nation la plus affectées. C’est 175 000 habitants, 5 500 cas positifs, 250 décès. C’est vraiment énorme. C’est en partie lié à l’éloignement des centres de santé mais aussi au fait que 40% de ces habitants n’ont pas accès à l’eau. C’est un tout, mais qui démontre bien tout ce que peuvent subir les autochtones continuellement et que cette pandémie ne fait qu’aggraver. »

Autre effet collatéral  de la pandémie : les projets extractivistes profitent de l’aubaine pour reprendre ou s’étendre. Mais les mobilisations autour des peuples autochtones s’organisent.

On en reparle la semaine prochaine avec Marion Veber de la Fondation France Libertés.

Pour aller plus loin :

 

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