vendredi, avril 19, 2024

Cabu : attitude d’un pacifiste pendant la guerre

Jusqu’au 31 décembre, la « Duduchotèque », du nom d’un personnage majeur du caricaturiste Cabu, située à Châlons-en-Champagne, sa ville natale, lui consacre une exposition intitulée « Les Présidents de Cabu ».

Le mensuel Union pacifiste du mois de mai, média auquel Cabu collabora régulièrement, publie aussi très logiquement un reportage dévolu à cet événement.

Fréquence Terre ne pouvait qu’emboîter leurs pas.

Fécond dessinateur de presse, amoureux inconditionnel du jazz, militant pacifiste, son ami Jean-Luc Porquet, auteur de Cabu, une vie de dessinateur paru chez Gallimard, expliqua que Cabu (1938-2015) était toujours du côté ensoleillé d’une rue mais que, comme une funeste prémonition, une année avant sa disparition tragique, il lui avait confié être généralement optimiste, mais qu’il pensait quotidiennement à la mort.

Dès les années soixante-dix, j’ai apprécié Cabu qui, avec Cavanna, Reiser, Wolinski et d’autres, firent l’essence même de Charlie Hebdo et lui donnèrent une dimension jamais égalée, selon moi. Avec le recul, je me rends compte de hasards (?) de l’existence qui me firent mettre mes pas dans ceux de Cabu puisque, objecteur de conscience et coopérant technique de 1969 à 1971 à Bejaïa, cité de Kabylie, ce fut précisément là que Cabu fit partie d’un régiment semi-disciplinaire en 1958, et écrivit à sa sœur : « Je suis entouré d’abrutis, aussi bien gradés que deuxième classe. »

Invité à décorer une école maternelle de Constantine, il y glissa un éloge à la désobéissance en pleine guerre d’Algérie, une façon de s’élever contre le rôle « criminel et non pacificateur » de l’armée française, alors qu’il clamait aussi qu’il comprenait le désir d’indépendance parfaitement légitime des Algériens, allant jusqu’à en faire part à un gradé en lui spécifiant que les autochtones étaient chez eux.

Son antimilitarisme se forgea également à la vue d’un hélicoptère français balançant dans le vide des résistants algériens « pour s’en débarrasser. » À cette occasion, il était dans la colonne de troufions en montagne qui étaient obligés de la gravir et d’apporter des jerrycans d’eau au sommet sous le cagnard.

En principe, un hélico ne pouvait pas s’y poser. Pourtant, un engin le fit et y déposa un général apportant au colonel qui dirigeait les soldats une bouteille de champagne frais !

Marche pacifique avec Cabu en 1976 (Photo Xavier Lambours).

En 1976, également dans la canicule, Cabu et moi faisions partie des participants, dont Cavanna, Wolinski, Reiser, Théodore Monod…, à la « Marche internationale non violente pour la démilitarisation » entre Metz et Verdun durant une semaine. Cette manifestation pacifique restera à tout jamais gravée dans ma mémoire.

À la suite de son assassinat en 2015, lors de l’attentat dans les locaux de Charlie Hebdo, Jean-Luc Porquet releva qu’il n’avait pas été assassiné par un braqueur ou un fou, mais très exactement « pour ce qu’il était, un homme qui dessinait librement. »

L’entrée est totalement gratuite à cette exposition ardennaise et les lundis, mardis et matinées sont réservés au public scolaire. Assurément une initiative qu’aurait apprécié le père du Grand Duduche.

 

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