Par sa décision du 24 juin dernier, le conseil d’état a validé la mise en place de l’écotaxe poids lourds.
Cette éco-redevance est issue du grenelle de l’environnement. Elle a pris déjà beaucoup de retard, à tel point que des associations écologistes pensait qu’elle ne serait jamais mise en place.
Olivier Louchard, coordinateur du Réseau Action Climat France, avait été écarté de toute concertation depuis la fin du grenelle
chez France Nature Environnement, on pensait carrément que l’abandon de l’écotaxe était un nouveau cadeau fait aux transporteurs routiers : ils sont mécontents de devoir payer 12 cents par km pour chacun de leurs poids lourd qui roule sur le réseau routier hors des autoroutes.
L’objectif, c’est de réduire le trafic des camions sur les nationales et les départementales.
Techniquement, les camions seront repérés grâce à un système de télépéage. Financièrement, l’Etat compte sur 800 à 900 millions d’euros par an de cette redevance, une rentrée d’argent bienvenue en temps de crise.
Mais contrairement à ce que pensent les écologistes, le retard de sa mise en place pourrait être due non pas à un cadeau fait aux transporteurs routiers, mais plutôt à des problèmes de déontologie.
Lors de l’attribution du contrat de ce partenariat entre l’Etat et la société italienne Autostrade, une question d’arrangement litigieux a été soulevée. Retour en arrière.
Le 8 février dernier, Autostrade est désignée pour s’occuper de cette éco-taxe, de A à Z, « pour une durée de 14 ans et la somme totale de 2 milliards d’euros. » Les concurrents Sanef, Siemens et Atos hurlent au conflit d’intérêt
Selon elles, le ministre de l’époque Jean-Louis Borloo a été conseillé par une société, Rapp AG, qui avait déjà collaboré dans le passé avec Autostrade dans un projet de télépéage poids lourds en Autriche et en Pologne.
Or on ne peut pas conseiller techniquement un Etat ou d’une collectivité et l’aider à choisir l’entreprise prestataire de ce contrat.
Lorsque cette collaboration supposée litigieuse entre Rapp AG et Autostrade est révélée par les concurrents d’Autostrade, le tribunal administratif de Cergy Pontoise casse le contrat de partenariat, c’était le 8 mars.
Mais le ministère des transports veut que ce dossier avance, et il se pourvoit en cassation, avec Autostrade. Le ministère rejette l’existence d’un conflit d’intérêt.
Et sans surprise, le conseil d’état ne voit rien de litigieux là dedans. Selon ses membres, la collaboration entre Autostrade et Rapp AG à l’étranger a été ponctuelle, et je cite, « les éléments relevés par les sociétés requérantes ne suffisent pas à caractériser un défaut effectif d’impartialité de la procédure ».
Ce qui veut dire que le conseil d’état ne veut pas entendre parler de conflit d’intérêt, surtout pas pour ces collaborations à l’étranger qui ne représenteraient que 0,4 pour cent de l’activité de Rapp AG.
C’est donc Autostrade qui va toucher le juteux contrat de 2 milliards d’euros, pour cette écotaxe qui concerne tous les camions de plus de 3 tonnes et demi, soit environ 600 000 camions français et 200 000 étrangers dès lors qu’ils viendront encombrer les nationales et départementales.
Mais l’affaire n’est pas terminée, car l’un des plaignants, Sanef, groupe autoroutier de l’est de la France, crie à la corruption. Il a été entendu au mois de mai dans le cadre d’une enquête préliminaire par la Brigade de répression de la délinquance économique.
Sanef veut montrer qu’il y a tentative de corruption, et que le groupe a été approché par un lobbyiste qui a voulu se faire payer des pots de vin pour lui donner le contrat.
Pour l’heure, le ministère reste certain de son bon droit. Il donne surtout l’impression de vouloir mettre en place l’écotaxe le plus rapidement possible. Car un nouveau de cette écotaxe fait peur au gouvernement, qui voit encore s’éloigner le milliard d’euros annuel qu’elle doit faire rentrer dans ses caisses.
Cette écotaxe était déjà techniquement difficile à mettre en place, il ne faudra pas compter sur la justice pour accélérer les choses.
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