Subventions généreuses, gouvernance contestable, contrôles défaillants, pollueurs épargnés, les critiques adressées par la Cour des Comptes aux Agences de l’Eau sont nombreuses. Dans son dernier rapport qui vient de paraitre, les juges de la rue Cambon épinglent ces Agences qui mettent en œuvre la politique de l’Eau en France. Créées en 1964, elles sont au nombre de six réparties sur le territoire selon les bassins hydrographiques. Elles sont chargées de collecter les redevances auprès des utilisateurs et les redistribuent pour la préservation de la ressource et des milieux aquatiques.
Ces Agences sont censées être vigilantes sur les pollutions et agir pour les diminuer. Pourtant, il semble, selon la Cour des Comptes, que le principe du pollueur-payeur ait du plomb dans l’aile.
Pour Jean-Luc Touly, le responsable Eau à la fondation France Libertés, c’est la gouvernance de ces Agences qui est à l’origine de ces manquements.
« La gouvernance de ces Agences se fait à partir des comités de bassin, dont la composition comprend trois collèges : celui des usagers, celui des représentants des collectivités locales essentiellement rurales, et l’Etat. L’Etat représente20%, les collectivités locales 40%, et les usagers 40%. Mais dans les usagers, plus des 2/3 sont, soit des industriels –EDF, Véolia, Suez…-, soit des usagers agricoles essentiellement issus de la FNSEA. Le reste, soit un peu moins d’1/3, ce sont par exemple des associations d’usagers domestiques comme France Nature Environnement, UFC Que Choisir ou la CLCV…
Donc, les industriels, les agriculteurs et une partie des élus ruraux, s’allient pour élire le président, et le vice président qui est souvent un représentant d’une entreprise ou du monde agricole. Mais jamais un usager domestique. Le principe pollueur-payeur a donc du mal à exister.
Comme 87% de la pollution est payée par les usagers domestiques alors qu’ils n’en sont responsables que de 10%, il y a un problème d’équité. Les agriculteurs et les industriels, principaux pollueurs, ne représentent que de l’ordre de 10 à 13% du paiement des redevances liées à la pollution.
Sur la facture payée par les usagers, près de 20% est collectées par ces Agences de l’Eau. C’est de l’ordre de 2 milliards d’euros par an. Cet argent doit servir à la dépollution. Il est versé sous forme d’aides, de subvention ou de prêts à taux zéro, aux collectivités locales, aux industriels ou aux agriculteurs. Donc on va aider ceux qui polluent et qui sont à la tête de ces Agences. Le conflit d’intérêt est là. Les usagers domestiques, eux, sont minoritaires et ne peuvent qu’à peine intervenir. »
Le Ministère de l’Ecologie, qui est le Ministère de tutelle de ces Agences, promet un rééquilibrage de ces assemblées lors de leur prochain renouvellement en juin prochain. Mais les associations ont du mal à croire ces bonnes intentions.
Pour aller plus loin :
- Rapport Annuel 2015 de la Cour des Comptes
- Les Agences de l’eau et la politique de l’eau : une cohérence à retrouver
- Les Agences de l’Eau
Podcast: Download