C’est un outil d’éducation à l’environnement qui ne cesse de se développer. Les fermes pédagogiques, nées dans les années 80, connaissent un succès qui ne se dément pas. S’il en existait environ 350 il y a 20 ans, on en dénombre aujourd’hui près de 1400 en France. Un développement qui répond à un besoin de valoriser la nature et à la volonté de faire découvrir aux citadins les activités du monde rural.
A l’heure où la préservation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique sont des priorités, ces fermes participent à leur manière au maintien du lien entre la ville et la campagne, et à la préservation des paysages contre l’urbanisation sauvage.
Pourtant, il n’en va pas de même partout.
A Saint-Fargeau-Ponthierry, en Seine et Marne, la ferme pédagogique Fermembul vit ses dernières semaines. Dans quelques mois, une zone d’activité commerciale se dressera en lieu et place de ses installations.
Fermembul, c’est une histoire de 25 ans qui s’achevera le 13 septembre prochain. En 1990, un projet pédagogique autour de quelques animaux et d’activités de la ferme voit le jour. Née sur quelques centaines de mètres carrés, la ferme s’installe en 2002 sur un terrain de 4,5 hectares mis à disposition gracieusement par les jardineries « Truffaut ». L’idée est de permettre aux enfants de cette commune de la grande banlieue parisienne de découvrir le monde de la ferme à travers des activités créatives, ludiques ou sensorielles.
Ecoles, centres de loisirs, instituts médico-éducatifs et même maisons de retraites vont, au fil des années, assurer le succès du projet associatif qui accueille 15000 visiteurs par an. Les subventions municipales permettent aux activités de se développer et d‘accueillir toujours plus de visiteurs.
Pour Laetitia Bailly, l’ancienne directrice de la ferme, Fermembul répondait à un vrai besoin.
« L’implantation de la ferme si près Paris permettait à des enfants qui ne voit pas absolument de verdure et d’animaux, hormis si on les emmène au Salon de l’Agriculture, de rencontrer l’animal, d’être en lieu vert. On aborde des notions autour de l’animal. On a d’autres activités plus axées sur l’environnement, fabriquer une feuille en papier recyclée par exemple, ou autour de l’utilité des abeilles… Pourquoi une ferme ? Pour montrer tout çà, pour revenir un peu à la nature… ce que l’on manque cruellement aujourd’hui. »
Mars 2014, après 19 ans de stabilité politique, la municipalité change de bord. Les premières décisions de la nouvelle équipe visent à réduire de manière drastique la subvention. Dans le même temps, la municipalité fait le choix de ne pas renouveler la convention de mise à disposition du terrain avec les établissements Truffaut.
Etranglée financièrement, et à bout de bail, Fermembul doit se résoudre à fermer ses portes.
Des décisions qui apparaissent aux yeux de certains comme un acte politique, l’ancien maire étant à l’origine de la création de la ferme. Un règlement de compte qui a choqué les habitués de Fermembul.
Isabelle Buisson, la trésorière de l’association.
« Ils étaient tous outrés de ce genre d’agissement. Ils ne comprenaient pas que l’on puisse mêler la politique à ce type de projet. Nous, à l’association, on ne concevait pas que cela puisse avoir un lien. Montrer à des enfants ce qu’était une vache, ou le bien être que l’on pouvait procurer à des personnes en difficulté ou en situation de handicap, ou encore l’aide et l’accueil que l’on apportait aux stagiaures ou aux TIG (travaux d’Intérêt général) que l’on accueillait… c’était plutôt un intérêt public pour tout un chacun. Et là c’est l’incompréhension totale qu’une seule personne puisse s’acharner comme çà contre nous. »
Avec la fermeture de Fermembul, c’est beaucoup plus qu’un outil pédagogique et d’éducation à l’environnement qui disparait.
Laetitia Bailly.
« Pour les usagers de la ferme, c’est plus que çà. Fermembul c’est un lieu sécurisé, où les enseignants venaient en tranquillité. Ils savaient que les enfants bénéficieraient d’animations pédagogiques ludiques avec des animateurs compétents, volontaires. Pour les enseignants, c’est terrible de savoir que l’année prochaine il n’y aura plus rien. Pour les institutions c’est aussi le mélange des populations qui était intéressant. On pouvait rencontrer des personnes plus âgées, des enfants, des personnes en situation de handicap. C’est aussi çà la ferme pédagogique, c’est favoriser le lien social à travers ce type de populations. »
Aucune solution n’a pu être trouvée pour pérenniser l’activité, ni sur la ville, ni sur une autre commune. L’éducation à l’environnement, la découverte de l’univers de la ferme, le maintien d’un paysage naturel en entrée de ville seront donc sous peu de l’histoire ancienne.
Les salariés licenciés, restent les bénévoles qui assurent l’entretien de la ferme et les soins des animaux. Portées par des habitués de la ferme, des actions sont encore menées pour tenter de sauver l’association.
Isabelle Buisson.
« Une personne à mis en place une pétition qui a réuni à ce jour plus de 17000 signatures. Une autre personne m’a proposé de demander à Truffaut de racheter le terrain en faisant une sorte de « crowdfunding » (financement participatif). D’autres personnes ont proposé des opérations un peu plus choc à travers la ville. Le but est d’essayer de reculer au maximum notre expulsion, parce qu’on le vit comme çà. En tous cas jusqu’à ce qu’on ait un lieu d’accueil pérenne, et pour voir avec la collectivité si réellement ils souhaitent nous anéantir ou nous accompagner financièrement pour que l’on puisse continuer nos activités. »
A quelques mois de la COP21, le maintien d’un outil d’éducation à l’environnement serait pourtant un signal fort.
Pour aller plus loin :
- Fermembul, le site
- Fermembul sur Facebook
- Sauver Fermembul, la pétition sur Change.org
- Les fermes pédagogiques en France
- Le baroud d’honneur de Fermembul, sur « La République de Seine et Marne »
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