lundi, mars 18, 2024

Le Tribunal de l’eau de Valence : l’équilibre entre tradition et réalités du monde moderne (rediffusion)

De tout temps, l’eau a été l’objet de convoitises, de guerres, de corruptions… Partout dans le monde, sa gestion est devenue source de conflit. D’où la nécessité d’édicter des lois sur l’eau et de statuer sur les conflits qui en découlent.

En 600 avant Jésus Christ, à Athènes, les premières lois sur l’eau sont apparues. Elles fixèrent des règles bien précises pour la gestion des eaux souterraines. Les distances pour aller creuser un puits ou pour gérer les plantations étaient réglées avec précision. 200 ans plus tard, il a fallu légiférer sur les atteintes portées à l’intégrité de cette eau qui attirait de plus en plus de d’envies. Si, par la suite, les réseaux d’approvisionnement se sont développés et modernisés, les litiges n’en ont pas moins disparus.

C’est ainsi qu’à Valence, en Espagne, s’est créé, en 960 après Jésus Christ, le Tribunal de l’Eau, sur la volonté du calife de Cordoue. Une institution qui perdure encore aujourd’hui. Chaque jeudi, depuis des siècles, ce tribunal se réuni devant la porte des apôtres de la cathédrale de Valence pour régler les conflits liés à l’eau.

Composée de 9 juges, choisis et élus parmi les exploitants agricoles, cette instance se réunit aux douze coups de cloche pour arbitrer en audience publique les litiges qui ont pu intervenir durant la semaine entre les différents agriculteurs de la région. Des différents qui portent sur la répartition des 8 canaux qui irriguent les terres de la plaine de Valence, une plaine fertile où sont produits des agrumes, du riz, du raisin et des pêches.

Ces juges ne sont pas des juristes professionnels. Mais ce sont des cultivateurs respectés, des sages, dépositaires d’une longue tradition orale. Ils ont une parfaite connaissance du droit de l’irrigation de la région et maîtrisent à la perfection les rotations et les périodes d’arrosage, la répartition proportionnelle de l’eau et l’entretien des canaux nécessaires au bon écoulement des ruissellements d’un champ à l’autre.

Fort d’une histoire de plus de 1000 ans, les sentences prononcées par le Tribunal des Eaux de Valence sont sans appel. Basées sur la justice, le bon sens et la loi, elles ne sont jamais contestées. D’ailleurs, pour éviter l’affront d’être jugé en public, les agriculteurs s’efforcent de veiller à ne pas enfreindre les bons usages et essayent de trouver des accords préalables.

Rapide, adaptée à son environnement immédiat, d’un coût infime, cette juridiction atypique fait figure d’exemple d’autogestion par une population de ses ressources. Tout son système d’arbitrage obéit à un équilibre entre tradition et adaptation aux réalités du monde moderne et aux aléas climatiques.

La pratique séculaire de cette institution respectée a réussi ici à dépassionner et à pacifier la gestion de cet or bleu qui, dans bien des régions du monde, est le catalyseur de profonds conflits. Même si des conflits d’un autre genre surgissent parfois entre exploitants agricoles, conflits d’intérêts lorsque des enjeux économiques sont menacés…

Mais cela reste malgré tout un modèle de compromis institutionnalisé qui donne des idées aux promoteurs d’un Droit International de l’Eau. Ceux-ci verraient d’un bon œil la création d’un Tribunal Mondial de l’Eau qui pourrait trancher dans les rivalités liées aux partages des cours d’eau et des ressources souterraines.

Oralité, simplicité : quand la sagesse millénaire peut-être une douce conseillère…

 

Pour aller plus loin :

 

 

 

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