jeudi, mars 28, 2024

Autochtones du Brésil : l’art comme arme de sensibilisation

Face à la crise des droits humains et au défi environnemental, les voix des peuples autochtones peuvent être des sources d’inspiration pour l’ensemble de la planète. Partage, solidarité et action… C’est ce à quoi nous invitent notamment les peuples indigènes du Brésil. Dans un contexte politique qui marque selon eux un véritable retour en arrière, trois de leurs représentants étaient à Grenoble début avril. Ils sont venus témoigner de la situation dans leur pays et apporter leurs pistes d’actions.

Avec Marion Veber, chargée de mission Droits des peuples à la Fondation France Libertés.

Ils sont artistes ou avocats. Ces trois représentants sont venus porter la lutte de leur peuple face aux attaques incessantes sur leurs droits et leur mode de vie. Ce qu’ils entendent dénoncer, c’est aussi le danger qui pèse sur leur culture, leurs langues et sur leur diversité.

« Aujourd’hui on a 305 peuples autochtones rien qu’au Brésil et 274 langues. C’est une réelle diversité, c’est une véritable richesse. Mais aujourd’hui, avec toutes ces politiques-là, on craint effectivement une disparition de langues, de peuples. C’est ce que les autochtones dénoncent. C’est un ethnocide, une mise à mal de leur culture ».

Ils entendent aussi sensibiliser à leur combat à travers l’art.

« C’est vrai que les trois autochtones qui étaient présents avaient une sensibilité artistique très forte, notamment JAIDER ESBELL qui est probablement un des plus grands artistes autochtones du Brésil et DAIARA TUKANO qui est elle-même artiste. L’idée était de montrer l’art autochtone contemporain, puisqu’on a très peu, malheureusement, d’exposition sur cette thématique. Par exemple Jaider Esbell est venu avec un livre d’histoire de l’art qu’il a trouvé dans une brocante, qui est un livre particulièrement classique de l’histoire de l’art, très européo-centré. Il s’est complètement réapproprié cette histoire en dessinant sur cet ouvrage. Du coup il a trouvé un autre titre à ce libre qu’il a appelé « Lettre au vieux monde ». Avec cette œuvre de Jaider, et les œuvres aussi de Daiara, l’idée est de nous faire réfléchir sur ce qu’on pense être la norme, sur ce qu’on nous apprend à l’école, sur ce qu’on apprend en histoire. Et de nous réinterroger sur un grand nombre de concepts, notamment par exemple la fameuse idée de découverte de l’Amérique, qu’ils réfutent complètement, et qui est de plus en plus mise en cause. Mais ils préfèrent appeler ça une invasion ou un génocide. Ils nous invitent avec cet art à repenser l’histoire, à décoloniser nos mentalités et à nous ouvrir à leur cosmovision. On a énormément de leurs dessins qui mettent en avant leur façon d’appréhender le monde, la nature, le fait que l’homme est au centre de la nature et n’est pas un être au-dessus de la nature. Donc cela donne des dessins extrêmement riches en termes de réflexion ».

© Daiara Tukano

Ils témoignent de leur attachement profond à leur territoire. Et ce n’est pas pour rester confinés dans le passé, mais bien pour envisager collectivement l’avenir de la planète, durablement.

« C’est ça. Ils sont venu aussi en Europe pour interpeller sur les interconnexions entre leur bataille qui mènent sur leur territoire et le défi auquel toute l’humanité doit faire face du changement climatique et d’un autre rapport au monde pour qu’il soit plus pérenne. Et effectivement ils nous invitent à s’allier à eux et à résister ensemble pour ce territoire, pour une eau pure, pour un air pur, etc.. C’est effectivement une invitation à travailler ensemble ».

Quel est leur message à la communauté internationale à travers leur témoignage… ? quelle vision du monde entendent-ils promouvoir ?

« Il sont venus effectivement pour dénoncer la situation des violations de leurs droits, mais aussi montrer toutes les résistances qui sont en cours au Brésil et donner à voir les luttes en cours et donner un minimum d’espoir. Dans les exemples concrets qui peuvent être mis en place, ils ont beaucoup insisté sur le boycott. Le boycott par exemple de l’agrobusiness brésilien, c’est à dire de ne plus acheter de soja, de canne à sucre, de bœuf qui viennent d’Amazonie, parce que la plupart du temps ça voudrait dire qu’il y aura eu déforestation, accaparement de leur territoire, et bien évidemment utilisation de pesticides de manière abondante. Ils vont nous demander également de ne plus consommer de produits qui intègrent leurs savoirs traditionnels sans qu’ils y aient consenti : par exemple le Coca Life qui intègre des savoirs d’autochtones du Brésil et du Paraguay. Ils nous invitent à prendre des mesures déjà en tant qu’individus pour être en accord avec ce qu’on souhaite promouvoir, et après en tant que société civile, d’alliance, de sensibilisation et d’actions communes ».

Pour aller plus loin :

Peuples autochtones et planète : des combats communs

 

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