mercredi, avril 24, 2024

« Face au péril, transformons le monde »

Il y a 35 ans, Danielle Mitterrand s’engageait dans un combat : le combat contre toutes les souffrances des hommes. Avec sa Fondation, elle aspirait à une utopie : organiser une alternative à un monde plus juste et plus humaniste.

35 ans après, la Fondation continue de s’inscrire dans les pas de sa fondatrice et appelle à une métamorphose radicale de la société.

Au mois de janvier, l’éditorial de Gilbert Mitterrand, le président de la Fondation, avait pour titre : « Donnons vie aux utopies pour une métamorphose radicale ». Un appel que ne renierai pas Danielle Mitterrand et qui sonne comme celui d’une urgence.

En 35 ans, le monde et la société ont changé, trop ou pas assez, c’est selon. Est-ce que les urgences de l’époque sont les mêmes aujourd’hui ? Est-ce que ce sont les mêmes combats ?

« Oui. Probablement. Sauf que les urgences sont encore plus importantes que par le passé. Dans les années 1980, on parlait d’un péril écologique et d’un péril néolibéral de la mondialisation. La grosse différence avec l’époque, c’est qu’aujourd’hui on le ressent plus fortement. Le péril est là et n’a jamais été aussi important. Dans les années 1980, on parlait d’une possibilité d’une transformation due au changement climatique. Aujourd’hui, les effets sont là. C’est notre génération et la génération de nos enfants qui sont en danger. La transformation est plus qu’urgente. Elle ne peut pas s’attaquer qu’à la superficie et au premières conséquences, mais vraiment aux causes. Dès le début, l’ambition de Danielle Mitterrand était de s’attaquer aux causes, que tout le monde ait des droits et qu’on puisse développer une justice qui permette d’éviter des inégalités qui perturbent l’équilibre de la planète. On avait déjà conscience de ça. Aujourd’hui, c’est face à nous. C’est inédit dans l’histoire de l’humanité que l’humanité elle-même puisse être en danger. Une partie de la vie sur terre est clairement en danger. Il faut développer d’autres pratiques et d’autres imaginaires. Il faut envisager d’autres façons de vivre tous ensemble, joyeuses, et qui procurent du bien-être. C’est ce moteur-là qui nous permettra de transformer nos sociétés. »

Jérémie Chomette / © Fondation Danielle Mitterrand

Vivre en harmonie avec les autres êtres vivants

Qu’est-ce qui a changé réellement en 35 ans ? La dégradation du monde, de la société, la prise de conscience de citoyens ?

« Il y a pas mal de choses. Probablement qu’il y a une prise de conscience plus importante du péril, mais moins de pourquoi il est là. On a toujours la volonté de remplacer les voitures au pétrole par des voitures électriques, ce qui malheureusement répond à un problème mais en pose un autre. Ce qui a pu changer c’est que, notamment dans la société civile, on est sorti des grandes organisations, les grands syndicats, les grandes ONG, qui jouaient un rôle et que les états ont essayer de démanteler. Elles ont eu du mal à se pérenniser parce qu’elle se sont probablement coupées de la base. Ces organisations s’écroulent un peu et les syndicats sont de moins en moins attirants. Mais derrière, on a des citoyens qui disent, on va changer les choses. On ne va plus demander, mais on va réquisitionner le pouvoir et ne plus le déléguer. On a partout un foisonnement de collectifs qui ont envie de transformer les choses. Avant, on était sur une approche internationale. Dans les années 1980, 1990, on rêvait d’un changement par des gouvernements internationaux. Aujourd’hui, on en est un peu revenu. On a une relocalisation des luttes qui peut poser problème, parce qu’on ne peut pas penser les choses qu’à partir du territoire. Mais il faut les penser à partir du territoire en les liant aux autres territoires. La dernière chose qui a changé, c’est de ne plus voir l’être humain comme le maître du monde. On a toute une philosophie, issue notamment des peuples autochtone, où on ne veut plus transformer le monde pour le dominer, mais le transformer par des alliances, en vivant en harmonie avec les autres êtres vivants. Donc ce sont plutôt des choses positives à l’intérieur d’un péril qui, lui, grandit. »

Mettre en lumière les initiatives

La société change, le monde change,… la Fondation se doit donc de se réinventer ou d’adapter son action ?

« Oui. Concrètement. On a décidé quasiment de ne plus faire de plaidoyer institutionnel. Comme on a moins de moyens, on ne va plus juste demander à l’état de changer. On a décidé de soutenir celles et ceux qui, sur le terrain, agissent. Danielle faisait ça. On va les soutenir en les mettant en lumière. En les finançant ou en les liant à d’autres, on va soutenir des collectifs qui envisagent le monde autrement, qui envisagent, dans leurs pratique, de prendre en compte les êtres vivants. Ce sont des collectifs où le pouvoir, à l’intérieur,  va être partagé et va tendre vers l’autonomie, mais une autonomie qui se fait toujours en interdépendance. On diminue fortement notre travail en direction des états. Et on se concentre sur la société civile, sur ces collectif. On va aussi renforcer les récits mobilisateurs. On a des initiatives qui sont extrêmement positives et qui donnent envie de se mobiliser et nous permettent de penser le monde autrement. Cela ouvre nos imaginaires et nos pratiques. On va les diffuser pour donner envie à d’autres de se mobiliser. Il s’agit de ne plus demander, mais de reprendre le pouvoir et de le redonner aux citoyennes et aux citoyens pour le partager. »

  • La semaine prochaine, quels sont les nouveaux champs d’actions de la Fondation, et ses objectifs.

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