lundi, mars 18, 2024

Les dinosaures du Colorado provençal

Promenade dans le Colorado provençal et lecture d’un court texte qui en est inspiré.

On m’avait dit que c’étaient des dinosaures, « tu verras d’ici le point de vue est le meilleur ».

J’ai fait comme on m’a dit.

J’ai sauté la barrière, je suis allé tout droit. J’ai sauté une petite rivière aussi, il y coulait du sang déjà, j’ai sauté par dessus le sang d’ocre, le sang des falaises que je sais plus loin, le sang du Colorado provençal.

Ce sont des dinosaures, oui, écrasés dans la terre, ou des varans de Komodo, les crêtes paraissent leur dos , ils sont figés là, ils hibernent car le ciel est trop bleu, les collines trop verte, le temps est trop doux. Le temps est trop doux pour les dinosaures, l’air est irrespirable, il a un goût frais et mouillé, celui des escargots, c’est trop doux pour leurs peaux d’ocres rouge et jaune. D’autres d’ailleurs ont les peaux blanches, comme éteintes, ils ne se réveilleront plus. La pluie les lèche comme des glaces, le jus leur coule dans les plis, je marche dans leurs caillots séchés réduits en sable et mes pas s’enfoncent, je suis de passage et le vent m’oubliera.

Je me retourne pour voir la trace de mes chaussures et celles aussi de quelques animaux, nous laissons une empreinte de notre temps présent dans la poussière. Le temps long a construit un temple ici. La brume, qui rampe dans la vallée comme un gel à mesure que le soleil décline, nous érodera sous son poids, après ce sera la nuit. Le temps long continuera, j’en serai mêlé, comme les pas des chevreuils dans le désert, comme les dinosaures, comme les varans de Komodo .

Mais pour l’heure c‘est encore la terre bronzée sous le soleil, presque le noir, mais c’est encore le jour. Et sa lumière rasante, celle qui le moissonne quand il est trop mûr.

Je vois mieux de mon point de vue où je suis seul, hors saison, ce qu’est la lumière rasante. En bas, les arbres se contrastent, un côté exposé à l’onde du coucher de soleil qui explose comme une supernova, l’autre face déjà dans une grotte ou les feuilles font masse comme une ombre.

Le silence fait le bruit du silence.

Tout à l’heure, j’ai ramassé un peu de terre rouge de fer, que j’ai mis en un petit tas dans la paume de ma main, j’ai craché dedans pour en faire une peinture que j’ai appliqué avec mon index sur une pierre, comme les hommes préhistoriques, je me suis servi des reliefs, ici un trou pour un œil, une bosse que je souligne pour une pommette, et le coin des lèvres qui s’écroule dans une fissure. Comme un sourire. Les hommes préhistoriques dessinaient des sexes de femmes dans les carrefours de pierres. Mes gestes étaient ceux de tout temps, un fil d’Ariane vers notre point de départ. Mes gestes faisaient le bruit du silence, celui du temps long qui s’écoule, qui fige les dinosaures, qui fait glisser des brumes comme du sang dans les vallées, qui moissonne le jour quand il est trop mûr, qui retourne la terre et cultive la vie.

Un avion passe dans le ciel, sa route croise la traînée d’un autre avion, et le ciel devient une case cochée.

Puis de nouveau le silence des feuilles mortes. Dans lequel je marche pour rentrer.

 

 

 

Musiques: Dimitri Kotas (générique), Carlos Cipa -and she was-

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