samedi, décembre 7, 2024

Ardennes françaises mystérieuses (47/61) : RETHEL : Verlaine entre sublime et sordide

 

2Les chroniques « Ardennes françaises mystérieuses, sacrées et insolites » sont inspirées de l’ouvrage et d’émissions de Pierre Guelff aux Éditions Jourdan, à la RTBF et TV5 Monde « Ardennes Mystérieuses, Insolites et Sacrées ». Musique du générique : « Le Réveil ardennais. »(youtube)

 

« Paul Verlaine enseigna à Rethel. » « Verlaine écartelé entre le sublime et le sordide… » En repérages pour le présent ouvrage et des chroniques radiodiffusées, j’ai découvert quelques textes et informations le concernant au Musée des Lettres et des Manuscrits (Paris et Bruxelles) :

 

« La société n’accepte pas les troubadours, au mieux elle les tolère. Incompris, damnés, familiers de l’abîme, trimardeurs (vagabonds) de la détresse humaine, vagabonds existentiels, jongleurs de rimes et cracheurs de mots : poètes maudits. »

 

« Sur fond de psychodrame éthylique permanent… les orages sont aussi violents avec Arthur Rimbaud, son amant qui « s’encrapule », qu’ils peuvent l’être avec Mathilde, son épouse. Mal dans la vie, faible devant l’appel de l’absinthe et de la chair, il bat Mathilde enceinte de son fils… »

 

« Verlaine et Rimbaud : semelles de vent, semelles de plomb, gais et vagabonds, chevaliers errants de la rime… recherchant le paradis en enfer. »

On sait que la liaison entre Verlaine et Rimbaud ne fut pas de tout repos. Des coups de feu furent tirés, Verlaine fit de la prison et on retrouva même une porte de cellule de prison de son époque exposée à « Verlaine emprisonné » au Musée des Lettres et des Manuscrits !

 

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Pierre Guelff et une porte de cellule à l’époque de Verlaine.

 

« À Bruxelles, le 10 juillet 1873, Paul Verlaine tire deux coups de feu sur son amant Arthur Rimbaud au terme d’une querelle d’ivrognes et d’un moment de désespoir qui aurait pu le conduire au suicide. Condamné à deux ans de prison, le poète reste pendant 18 mois séparé de sa jeune épouse, de son fils et de son amant. Sevré d’absinthe, il se « réunifie » en prison et compose ses plus beaux vers : des poèmes de captivité qu’il cherchera à publier dans un ensemble cohérent titré « Cellulairement ».

(…) L’exposition exprima les conséquences de l’affaire de Bruxelles sur l’œuvre poétique et sur la spiritualité de Verlaine. L’historien français Jean-Pierre Guéno s’était attaché à décrire et à illustrer toutes les cages qui enfermaient le poète maudit et qui allaient faire vibrer son âme : sa prison de pierre, sa prison existentielle, sa prison familiale et sa prison sentimentale. « Verlaine emprisonné » était, en fait, la petite musique de l’âme de l’homme universel, de l’homme double écartelé entre la fascination de l’enfer et la nostalgie du paradis perdu. »

 

Un criminel abruti

 

En octobre 1877, soit quatre années après l’affaire de Bruxelles et d’autres tourments, Verlaine fut engagé comme professeur à Rethel. Il y enseigna le français, l’anglais, l’histoire et la géographie.

En 1878, il essaya de faire fléchir Mathilde qui avait demandé le divorce, en vain. Alors, il noua une « amitié équivoque » avec l’un de ses élèves, Lucien Letinois (18 ans). Le 4 septembre 1879, il fut renvoyé de Notre-Dame de Rethel. En mars 1881, Verlaine acheta une ferme à Juniville (voir ce chapitre) et s’installa avec les parents de Lucien !

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Paul Verlaine.

 

Le 8 janvier 1896, Paul Verlaine est mort dans le dénuement le plus complet après avoir connu quelques succès littéraires et beaucoup de déboires : il tenta d’étrangler sa mère (celle qui avait gardé dans des bocaux d’alcool les fœtus de ses deux fausses couches !), fut condamné pour coups et blessures, se retrouva divorcé de Mathilde, devint ulcéreux, miséreux, secouru par l’État, quelques femmes et écrivains…

Bref, Verlaine vécut une existence peu banale ! Un de ses professeurs n’avait-il pas écrit : « Je ne me serais jamais douté qu’il pût y avoir quelque chose dans cette tête hideuse qui faisait penser à un criminel abruti… »

Mazarin, Sorbonne, Jouvet…

 Rethel (quelque 14 000 habitants avec l’agglomération) possède des liens profonds avec l’Histoire et certains personnages.

Outre Verlaine, Rethel a accueilli en ses murs Jules Mazarin (1602-1661), cardinal, diplomate, homme politique de la papauté, de Louis XIII, de Louis XIV, successeur de Richelieu, au point que Rethel porta tout un temps le nom de « Duché de Mazarin », alors qu’un village de quelques dizaines d’âmes situé non loin de là, Sorbon, est célèbre pour avoir vu la naissance, en 1201, de Robert de Sorbon, le fondateur de la Sorbonne (Université de Paris).

 

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Effigie du fondateur de la Sorbonne sur une plaque signalétique.

 

Et puis, il y a encore Louis Jouvet (1887-1951), l’inoubliable comédien, qui passa une partie de son enfance avec sa mère (il était orphelin de père à l’âge de 14 ans) chez un oncle, pharmacien à Rethel, alors que Louis Hachette, fondateur de la réputée maison d’édition française y vit le jour en 1880, et, avant lui, en 1788, Boucher de Crèvecœur de Perthes, considéré comme le « Père de la Préhistoire » (« Antiquités celtiques et antédiluviennes »)…

 

Une cité de Rethel située sur l’Aisne (rivière de 353 km, confluent de l’Oise) et principal port du Canal des Ardennes (88 km, 44 écluses, datant du XIXe siècle), qui a connu maintes invasions autrement moins pacifiques que le passage des automobilistes se dirigeant vers la Bourgogne, par exemple : Attila en 450, la Guerre de Cent ans, la Guerre contre Charles Quint, la Guerre de la Fronde, l’Occupation russo-prussienne, la Guerre de 1870, la Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale !

 

« L’incontestable merveille », selon Verlaine, qu’est l’église Saint-Nicolas (XIIIe siècle) a survécu (à coups de restaurations) à divers de ces tourments : ordres dorique (le plus ancien des ordres d’architecture de la Grèce antique), ionique, corinthien double nef, majestueux portail latéral…

À Rethel, il y aussi le sentier nature le long de l’Aisne, la Promenade des Isles (quelque 500 arbres), le boudin blanc imaginé par un certain Chamarande, mousquetaire déplacé à Rethel pour calmer son esprit bagarreur et qui, faute d’assassiner ses semblables, inventa la recette de cet aliment fort prisé par les Rethéloises et Rethélois, au même titre que la fêté dédiée à sainte Anne, mère de la sainte Vierge et patronne de la cité, au cœur de l’été.

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