mardi, mars 19, 2024

Notre après-mort : une première mondiale écologique !

À Bruxelles, une remarquable première mondiale qui touche tous les êtres humains (hommes, femmes, jeunes, adultes, toutes les nationalités, conditions familiales, sociales…), alors, que la Wallonie tergiverse et surprend et qu’en France le problème est loin d’être résolu, tout cela méritait un reportage sur Fréquence Terre. Explications par Pierre Guelff.
– J’ai 72 ans et, si l’espérance de vie pour les hommes est de 80 ans, j’ai une épée de Damoclès qui pend au-dessus de la tête avec insistance depuis une décennie, nous expliqua Ghislain A., retraité bruxellois. Il y a une décennie, la mort me frôla, je fus opéré cinq fois, dont une fois, in extremis, à cœur ouvert. Tous les jours, j’ingurgite dix médicaments, certains aux effets secondaires pénibles, je suis strictement un régime alimentaire et pratique une activité physique journellement. Je suis sous contrôle médical régulier et je tente d’avoir encore une vie sociale. Cependant, je vis dans un stress permanent de mort imminente. Conscient de cette situation et par respect pour mes proches, j’ai tout préparé : déclarations officielles d’euthanasie et dispositions pour mes funérailles. Et c’est ici, au XXIe siècle, que ce fut un réel problème ajoutant de l’angoisse à l’angoisse. Alors, depuis des années, j’ai interpellé des politiciens, tous partis confondus, sur le principe qu’on ne leur donne pas notre voix lors des élections, mais qu’on la leur prête et que le rôle d’un citoyen est aussi de participer à la vie en société en dehors du passage aux urnes. Heureusement, depuis le 9 novembre 2018, je suis soulagé.
Mourir, puis donner la vie
Il ne s’agit pas de science-fiction mais d’un véritable ultime acte citoyen… qui se prépare. Outre l’enterrement ou la crémation, pourquoi ne pas envisager l’humusation, processus naturel de décomposition jugé nettement plus respectueux de la nature ? Humusation qui est enfin prise en considération par des autorités belges.
Humusation ? Si tout un chacun connaît les termes inhumation, crémation, dispersion des cendres, columbarium…, celui d’humusation est peu connu ou mal perçu de la quasi-totalité de la population. L’expérience auprès de médecins et d’autorités, pas du tout au courant de la signification de ce terme, en fait également foi[1]. Les animateurs de la « Fondation Métamorphose »[2], éclairent notre lanterne.
– Quel est le principe de base qui guide les partisans de l’humusation ?
– Régénérer et protéger la terre coûte que coûte. Aujourd’hui, même si on a été écologique toute sa vie, d’office on pollue la terre lorsqu’on la quitte. Le modèle qui nous inspire est celui de parcelles boisées qui restent autofertiles si l’homme n’intervient pas dans ce processus naturel, bien sûr. Tout peut donc continuer à pousser et à vivre en harmonie tant que la microfaune qui vit en aérobie dans les premiers centimètres du sol peut recycler  dans l’humus tous les restes de ce qui a été produit, sans engrais, ni pesticides chimiques…
– Quel est le rôle de votre fondation ?
– Nous avons créé la « Fondation d’utilité publique Métamorphose » afin de rendre légale une pratique pour une après-mort 100% écologique. Ainsi, nous proposons une nouvelle option pour prendre soin de nos défunts dans le plus grand respect des êtres vivants et de la terre. Parce que nous pensons aussi aux générations futures, que nous avons la volonté de rester écologiques après notre passage sur terre, que les cycles de la nature nous montrent comment renaître et que nos corps sont un potentiel de vie et de fertilité extraordinaires.
– Dans votre manifeste, vous évoquez un enjeu crucial. Quel est-il ?
– L’enjeu climatique est crucial pour l’avenir de l’humanité tout entière. Si nous n’agissons pas, la terre va devenir une planète morte. Il est fondamental pour évoluer et survivre à la crise en tous sens qui agite notre planète, de changer notre façon d’agir et de voir le monde. Et la vie et sa fin en font partie.
– Comment agir et répondre concrètement à votre constat ?
Pour un départ vers une nouvelle vie, tout en écologie et non en pollution ! (Photo PGf)– Au-delà de la vision habituelle de l’écologie qui vise à réduire l’impact de notre empreinte négative sur l’environnement. Dans l’esprit C2C, ce qui signifie « du berceau au berceau », en augmentant notre empreinte positive sur l’environnement, pas seulement en termes d’écologie, mais du point de vue sociétal en entier. Réduire son empreinte écologique, c’est ce que permet, entre autres, cette nouvelle pratique funéraire, l’humusation, basée sur la permaculture. Pour un départ vers une nouvelle vie.
– Venons-en, alors, à votre projet.
– Il faut tout d’abord savoir que la pratique de l’humusation comprend un espace de mémoire et de recueillement, appelé le Jardin-Forêt de la Métamorphose, dans lequel les amis et la famille du défunt pourront le saluer, selon le rite qui leur conviendra. Le Jardin-Forêt c’est le lieu ou le défunt va reposer, un lieu de recueillement fleuri et boisé. Le jour de la cérémonie, un hommage pourra avoir lieu et être rendu là, en présence de sa famille et de ses amis et connaissances.
– Concrètement en quoi cela consiste-t-il ?
– Le corps du défunt sera placé au milieu d’une butte de copeaux de bois d’élagage d’environ 3 m³  dans lequel il sera composté en humus sain et vivant. Selon les croyances et traditions du défunt et de sa famille, une croix (ou autre symbole) ou une stèle en bois sera implantée pendant cette phase capitale de transformation. Bien entendu, ce seront des fleurs naturelles, que l’on trouvera lors des cérémonies, et au Jardin-Forêt,  pas des fleurs en plastique ou couvertes de pesticides ou d’insecticides. La permaculture permet tout cela très facilement, avec une profusion de fleurs été comme hiver. Il s’agit d’un processus contrôlé de transformation des corps par les micro-organismes dans un compost composé de broyats de bois d’élagage, qui transforme, en 12 mois, les dépouilles mortelles en humus sain et fertile. La transformation se fera hors sol, le corps étant déposé dans un compost et recouvert d’une couche de matières végétales broyées que les humusateurs ajusteront pour en faire une sorte de « monument vivant ».  En une année, l’humusation du défunt, réalisée sur un terrain réservé et sécurisé qui aura pour nom « Jardin-Forêt de la Métamorphose », produira +/- 1,5 m³ de « super-compost ».
– S’il fallait résumer l’humusation, comment l’évoqueriez-vous ?
Document www.humusation.org– L’humusation crée un humus riche, utilisable pour améliorer les terres. Un processus de remise à la terre doux, respectueux de la personne et durable. Pour être complet avec ce qui précède, je précise que l’Association Française d’Information Funéraire (AFIF) a calculé qu’une crémation rejette environ 160 kg de gaz à effet de serre, 39 kg pour une inhumation, mais qu’au bout d’une cinquantaine d’années ce chiffre passe à 170 kg, voire 570 kg avec le caveau et le monument en granit. Une autre catastrophe écologique, est le nombre important de problèmes de santé relevés aux abords des 150 crématoriums français. Donc, la décision en faveur d’une législation de l’humusation est entre les mains des politiques.
Première mondiale bruxelloise, aberration wallonne et léthargie française
Des milliers de citoyens convaincus par ce processus depuis trois ou quatre ans, ont entrepris toutes les démarches officielles (testament, déclaration à la Commune ou à la Mairie…) pour que leur volonté d’humusation soit prise en considération. Dans la foulée, certains, comme Ghislain A., ont directement interpellé maintes autorités politiques compétentes en la (dernière…) demeure. Résultat de cette longue lutte écocitoyenne ?
Le jeudi 19 juillet 2018, la presse relayait un communiqué du ministre-président bruxellois Rudi Vervoort. Extrait : « La législation sur ces matières datant de 1971, il était indispensable de moderniser le tout afin que chaque citoyen puisse faire son choix le moment venu. De nouvelles techniques ont vu le jour en matière de sépultures et nous avons décidé de les autoriser. La refonte de ce texte est une plus-value afin de respecter toutes les convictions religieuses et philosophiques reconnues. » Cette ordonnance autorisait également l’humusation (une première mondiale !) ou l’aquamation. Cela a été voté à l’unanimité ce 9 novembre dernier. Vote suivi d’applaudissements sur tous les bancs ! C’est historique !
Quant à la Région wallonne, elle fit savoir, par l’entremise de Carlo Di Antonio, ministre régional de l’Environnement, qu’elle accordait un subside à la faculté des bioingénieurs de l’UCL afin de développer un programme de recherche sur cette pratique funéraire. Et, c’est ici que l’on assiste à une aberration de dimension !
Humusation : l’être humain n’est pas un cochon ! (Photo-montage : PGf-MPP)Alors qu’un très récent sondage de La Libre Belgique[1], fait état de 92,7% de gens désireux de transformer leur corps en compost après leur mort (« Une pratique éco-responsable et sensée »), ladite faculté de l’UCL a décidé d’effectuer ses études durant deux ans, la première année étant réservée à placer un… cochon dans le compost ! Réaction pleine d’incompréhension de Francis Busigny, fer de lance de la Fondation d’utilité publique « Métamorphose » :
– Oser exiger un certificat d’aptitude pour la micofaune du sol, sans qui les couches de notre planète n’auraient jamais pu être autofertiles pour nourrir tous les êtres vivants depuis des milliards d’années et, alors que des tests fiables ont déjà été réalisés sur des animaux, petits et grands, que nous avons réuni une diversité de plus de vingt-cinq experts en compostage qui attestent publiquement que l’humusation va garantir une réelle protection de l’environnement et exclure tous les risques en matière de salubrité publique, là, je pense que l’on vient de toucher le summum de l’arrogance, voire de la bêtise humaine !
En France, le site Simplifia se disant « la référence du funéraire » est claire : « L’humusation est une alternative verte aux funérailles traditionnelles. Ce nouveau concept n’est pour l’instant autorisé nulle part. En France, seules l’inhumation et la crémation sont légalement acceptées. »
Urgences
Cette information relevée début novembre 2018 est donc à mettre à jour, puisque la Région de Bruxelles-Capitale (plus d’1,2 million d’habitants, 19 communes et quelque 25 cimetières et crématoriums) vient d’autoriser l’humusation. À présent, autorités et politiciens wallons, français et du monde entier peuvent s’appuyer sur cette réglementation officielle de la Capitale de l’Europe en tant que jurisprudence et n’ont plus aucune raison de refuser cette avancée majeure en matière de protection de l’environnement et du droit des citoyens.
Si l’urgence écologique n’est plus à démontrer tant notre planète va mal, l’urgence est cependant aussi devenue importante aux yeux de personnes âgées (ou atteintes d’une maladie dite incurable, par exemple) qui ont l’humusation pour dernière volonté et qui attendent le bon vouloir desdits politiques pour être assurées que leur dépouille puisse donner du sens à leur après-vie.
En somme, une course contre-la-montre pour la protection d’un environnement qui en a un besoin vital, parallèlement à une urgence pour satisfaire l’ultime et légitime volonté de milliers de citoyens responsables.
Sigle Fondation Métamorphose (Photo : www.humusation.org)Les avantages de l’humusation

Contrairement à l’enterrement : pas de cercueil, de frais de pierre tombale, de caveau, d’embaumement, d’ajout de produits nocifs, de pollution des nappes phréatiques par la cadavérine, la putréscine, les résidus des médicaments, les pesticides, les perturbateurs endocriniens…

Contrairement à l’incinération : pas de rejets toxiques dans l’atmosphère et les égouts, de consommation déraisonné d’énergie fossile, de location de columbarium, de détérioration des couches superficielles du sol lors de la dispersion des cendres…

[1] 25 octobre 2018.
(2) Fondation Métamorphose : www.humusation.org et Facebook.
Musique : http://www.michaelmathy.be/#music

 

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