jeudi, avril 25, 2024

Petits arrangements entre amis

À l’heure où les journalistes sont devenus la cible de certaines personnes qui y  voient des acolytes du pouvoir et des nantis, notre confrère Yvan Stefanovitch tente de prouver l’inverse avec son essai Petits arrangements entre amis publié chez Albin Michel.

D’emblée, il pose une question majeure : « Sont-ils au-dessus des lois ? ». « Ils » ce sont les caciques du Conseil d’État. D’autres questions en disent long sur l’indépendance de plume de l’auteur : S’agit-il du plus influent des réseaux ? Un refuge doré pour les amis du Président en place ? Un lieu de connivence ? Le Conseil d’État est-il indépendant ?

Les réponses, argumentées par des références et documents officiels, tombent dru, tombent les masques, en somme.

Il est question de caractère opaque, froid, presque inhumain de la procédure, du fait que les requérants ne s’y expriment jamais et que les avocats ne plaident quasiment pas, tout cela n’encourage pas a priori le justiciable à déposer des requêtes. L’auteur explique encore que la procédure est souvent rédigée dans une langue incompréhensible du commun des mortels, que les jugements sont une suite de non-dits, que le laconisme des énoncés est courant, sans parler du coût excessif des honoraires d’avocats spécialisés, seulement une centaine pour toute la France.

Autre question qui fâche : qui pilote cette institution ? La réponse est claire et précise : le Secrétariat général du gouvernement, donc le bras armé du Premier ministre. Et, au Palais Royal, siège du Conseil d’État, ce n’est pas un lieu de convivialité, précise Yvan Stefanovitch, les allergies, les coteries, les préjugés, quelquefois les haines y ont leur place.

Il y a 323 membres et le recrutement se fait de manière « monarchique » avec, quand même, une récupération de compétences  très utiles, mais également l’occasion d’offrir sur un plateau une belle situation aux amis du prince, à des avocats et médecins que leur métier sature, puis il y a ces nominations qui défrayent la chronique : Régis Debray, Erik Orsenna, Arno Klarsfeld…

Quelque trente-cinq matières sont abordées, parmi lesquelles on trouve des « affaires enregistrées par domaine contentieux » dont le palmarès, si j’ose dire, est le suivant : affaires consacrées aux étrangers, nettement en tête, suivies des contentieux fiscaux, de ceux concernant des fonctionnaires et agents publics, de l’urbanisme et aménagement de territoire, de l’aide sociale et, fermant la marche, les problèmes liés aux rapatriés, décorés et postes et télécommunications.

Une dernière précision, il faut près d’une année pour juger une affaire ordinaire et, l’auteur conclut  que « ceux qui appartiennent à cette grande maison – même les plus jeunes – sont fréquemment portés à regarder de haut le reste du monde. Ils se sont arrogé le monopole de la compétence et n’entendent guère les critiques adressées à leur institution… Une chose est sûre, le légitimisme vis-à-vis du gouvernement et au-delà de l’administration n’est pas près de disparaître au Palais-Royal. »

Musique : Michaël Mathy.

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