vendredi, avril 26, 2024

Lettre ouverte à une star qui se meurt

Les amoureux de la radio, du moins les plus anciens parmi eux, se souviennent encore de ces émissions mythiques :  « Vous êtes formidable » de Pierre Bellemare, « La question » magazine qui osa aborder la torture en Algérie, « Salut les Copains » de Daniel Filipacchi qui, au-delà du mouvement yéyé, fit connaître le rock en France, ou « Pour ceux qui aiment le jazz » qu’il animait aussi en compagnie de Frank Ténot.

Il y avait le Tour de France et les podiums aux étapes, « Musicorama » ou des concerts en direct depuis l’Olympia, avec, entre autres, Charles Aznavour, Barbara, Gilbert Bécaud, Léo Ferré, Juliette Greco, Johnny Hallyday, Claude Nougaro, Michel Polnareff, Alan Stivell, Count Basie, Chuck Berry, Bob Dylan, Jimi Hendrix, Brenda Lee, les Platters, Otis Redding, Stevie Wonder…

Et puis, comment ne pas citer les « Campus » de Michel Lancelot qui invita Lanza del Vasto, figure marquante de la non-violence, fit des débats sur la peine de mort, anima une émission avec Martin Luther King qui amena près de huit millions d’auditeurs !

Europe 1, il s’agit d’elle, est la radio qui, dès mon adolescence, a été ma compagne de milliers et de milliers d’heures. Outre son légendaire carillon sonnant les heures, elle possédait un ton particulier fait d’engagement citoyen et de terroir, d’info de terrain et d’actualité musicale avec de multiples présences de vedettes en studio.

Il y avait une « âme Europe 1 », comme il y a « l’âme des poètes à Paris ». On dit aujourd’hui un ADN.

À l’époque, des années cinquante à quatre-vingt-dix, Europe 1 était la star des radios francophones. Elle était régulièrement sur le podium des radios françaises les plus écoutées, et fut même en tête en 1976.

Marc Menant et Pierre Guelff.

Eh bien, ma compagne de tant d’émissions distillées depuis la rue François Ier à Paris, s’éteint petit à petit dans une agonie qui perdure depuis plus d’une décennie.

Si, avant cela, j’ai encore eu le privilège d’être invité dans la matinale du dimanche animée par Marc Menant, déjà, une certaine érosion de l’audimat se faisait sentir face au développement de la télévision, de la bande FM, d’attaques politiciennes, d’un changement de format, d’habillage sonore et de l’arrivée de nouvelles personnes qui, selon Le Figaro, faisait « fuir les auditeurs ».

Où, donc, est passée ma « Radio Barricades » qui, lors de Mai 68, diffusait des directs qui entrèrent dans l’Histoire ?

Cet été, elle est tombée, selon « Pure Médias », à la 9e place de la médiamétrie avec à peine 2,32 millions d’auditeurs, derrière France Inter (5,5 millions), RTL, France Info, NRJ, France Bleu, Nostalgie, RMC et Skyrock, et elle est talonnée par Fun Radio et RTL2 !

À la lecture de cette « pire performance historique » d’Europe 1, malgré le déménagement dans des studios de la rue des Cévennes présentés comme parmi les plus performants, la descente aux enfers se fait d’audimat en audimat. Jusqu’à quand ?

Je n’ai pas la capacité d’analyser les raisons de cet écroulement si ce n’est à travers ma propre expérience : depuis quelques années, je n’écoute plus qu’épisodiquement cette radio. Une écoute en forme d’espoir, celui de retrouver l’âme d’antan de la station, mais les quelques heures écoutées par ci par là, ne me forcent pas du tout à me brancher à nouveau de manière régulière sur Europe.

Et puis, autre information, des millions d’auditeurs perdus par Europe 1, tous ne se branchent pas sur les autres radios. En un an, l’audience des radios françaises a effectivement diminué de près d’1,7 million auditeurs, ceux-ci se tournant vers des podcasts principalement, dont ceux, multiples, diffusant des intox, comme on dit couramment.

En conclusion, je n’ai pas du tout envie de corroborer le dicton qui prétend que le « malheur des uns fait le bonheur des autres ». J’ai plutôt envie de dire que la chute d’Europe 1, comme de tout autre média d’ailleurs, c’est aussi de la pluralité de l’information et des opinions qui se perd. Et ça, ce n’est jamais bon pour la démocratie. C’est de la liberté d’expression qui s’étiole et qui laisse la place aux fake news qui pullulent sur les réseaux sociaux, entre autres. Écoutez donc les théories du complot qui en découlent… et vous serez malheureusement convaincus.

 

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