vendredi, décembre 6, 2024

Le Miracle de San Gennaro de Sándor Márai (Livre de Poche)

« Littérature dans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.

Nous sommes à Naples, en 1949, et toute la verve de Sándor Márai apparaît dès les premières lignes du « Miracle de San Gennaro » (Le Livre de Poche).

Vous êtes combien à dormir dans la même chambre ? demande un commerçant, un tantinet communiste, à un maçon.

Huit ! répond le maçon au chômage durant l’hiver et qui, alors, vend des images pieuses pour ne pas crever de faim.

Tu sais combien de pièces il y a au Vatican ?

Et toi, tu sais combien de pièces il y a au Kremlin ? intervient un marchand de vin.

Et combien de gens dorment dans une même pièce à Moscou ? surenchérit un pêcheur.

Le ton de ce roman, largement autobiographique, surtout dans sa deuxième partie, est donc donné.

Alors, entre en scène un couple d’étrangers. Lui, c’est « l’homme », elle, c’est « la femme ». C’est ainsi que les appellent les gens.

Lui, il veut sauver le monde, colporte-t-on.

Des gens disent qu’il dégage une odeur de mort, d’autres une odeur de sainteté.

Ces gens, ce sont le marchand de cacahuètes et sa femme qui joue de la mandoline, un rédacteur en chef et son reporter, spécialiste des courses hippiques, il y a encore un amiral à la retraite, un baron, un prêtre, un poissonnier, des gosses, beaucoup de pauvres, tous actifs dans des petits boulots à la petite semaine ou qui rendent de menus services aux nantis.

On retrouve, aussi des trafiquants dans une église, occupés à prier entre deux transactions, aux côtés de dames de bonnes familles qui y donnent rendez-vous à leurs amies ou amants. Un mélange de naturel et de surnaturel, en somme.

Tout ce monde vit chaque année, en septembre et en décembre, le miracle du sang de San Gennaro qui se liquéfie, mais, tout ce monde, blasé, attend d’autres miracles, non officiels, celui de gagner au totocalcio ou de décrocher un emploi au chemin de fer ou dans une compagnie pétrolière américaine.

Et, un matin, après une tempête, on découvre le corps de l’étranger, de « l’homme ». Il est mort au pied d’une falaise.

S’agit-il de la mort d’un messie ou d’un imposteur ? D’un fasciste qui se planquait ou d’un agent des « Rouges » ? D’un savant ou d’un opposant potiche au communisme ? D’un comédien, d’un fou ou d’un idéaliste ?

L’enquête révèle le destin de cet étrange étranger : il a quitté l’Est ne supportant pas la dictature du bolchévisme après avoir combattu le fascisme ouvertement ; il s’est réfugié en Italie et fut consterné de voir le nombre croissant de sympathisants communistes tout en étant subjugué par l’ambiance régnant à Assise…

Et sa mort ? Un suicide, dit-on.

Quand on sait que Sándor Márai s’est suicidé en exil, cet ouvrage prend alors une dimension « supérieure », selon moi.

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