« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.
Il y a peu, il était question, en la présente rubrique, d’un ouvrage de Roger Schutz, dit Frère Roger, écrit de manière prémonitoire lors des événements de mai 1968.
Aujourd’hui, il est question de « Dynamique du provisoire » du même auteur mais écrit en 1965 et, une fois encore, je peux parler de prémonition dans les propos du prieur de cette communauté œcuménique de Taizé, assassiné quarante ans plus tard en plein chœur de l’église bourguignonne :
« Il est des hommes qui sont vieux dès leur jeune âge. Tournés vers un passé récent ou lointain, ils ne peuvent consentir aux changements qui s’accomplissent autour d’eux. Cela est vrai à travers toutes les sociétés. Or, vieillir sans relations avec les générations qui montent, c’est se condamner à végéter. Plus qu’à toute autre génération, à cause de l’énorme tournant de l’histoire contemporaine, il nous est demandé une ouverture de l’intelligence et du cœur pour saisir les grands courants actuels.
De plus en plus, ce qui aura été appris dans la jeunesse sera sans rapport avec le niveau des connaissances du moment. Mais l’intelligence exercée jour après jour permet un rajeunissement constant, une adaptation aux situations nouvelles.
Lorsqu’on avance en âge, la pensée s’enrichit, le jugement s’affine, le cumul de l’expérience et des connaissances apporte à la réflexion une acuité irremplaçable : rien ne vaut les longues années d’une vie laborieuse.
Vieillir, c’est alors être rajeuni par tout ce qui vient à nous au travers de l’évolution contemporaine. »
Roger Schutz a vécu jusqu’à l’âge de 90 ans et sa sagesse était encore reconnue tant par les religieux que les personnalités du monde laïque.
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