lundi, décembre 9, 2024

Toutes ces choses à te dire de Frédérique Volot (Presses de la Cité)

 

PGF FT300« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.

« Les vivants chassent les morts, c’est dans la logique des choses… » murmura Lucie au chevet de son mari Hector, qui se trouvait entre la vie et la mort, épuisé par la maladie. Mais, soudain, il articula « Ange », le prénom de sa petite-fille chérie, qui habitait Moscou. Elle qui, en mission de sauvetage d’oursons orphelins, tomba amoureuse de la Russie au point de plaquer un emploi rémunérateur et son petit ami au grand dam de ses proches, sauf, justement, d’Hector !

« C’est bien de partir… moi aussi, je suis parti… » lui dit-il.

Ainsi, Ettore, Slave surnommé Hector, habitait Gorizia et avait connu l’exil et s’était réfugié en France, son violon sous le bras comme seul bagage.

Des décennies plus tard, à 2 600 kilomètres de sa région lorraine d’accueil, son « Ange » buvait un verre au Café Pouchkine, immortalisé par la « Nathalie » de Gilbert Bécaud.

9782258118508.ft300jpgOutre la musique et l’amour – réciproque – d’un vieil homme pour sa jeune parente, « Toutes ces choses à te dire », le roman touchant, bouleversant, de Frédérique Volot (Les Presses de la Cité), évoque une histoire exceptionnelle et la volonté de l’aïeul de la raconter et de confier les clefs d’une certaine reconstitution à Ange.

«  Il se sentait prêt à accueillir la mort. Il avait assez souffert, assez donné, assez vécu. Il demandait juste un supplément de souffle. Ne pas partir avant de lui avoir parlé, à elle… »

« Je ne veux pas qu’il meure avant que je l’aie revu », déclara Ange à son compagnon Niki.

« J’ai résisté à bien des choses dans ma vie, les fascistes (les sinistres « chemises noires » de Mussolini et les pétainistes), les nazis (il avait été déporté au camp d’Eperlecques), les balles, les coups, la faim, le froid, mais là… c’est foutu. Tu crois qu’elle va venir ? C’est l’attendre qui me fait tenir… »

Car, il avait beaucoup de choses à lui confier. Ainsi, quand il était petit, il se demandait pourquoi le bon Dieu, qui avait le pouvoir de tout faire, lui répétait sans cesse le curé, autorisait les tueries entre les hommes et la violence infligée aux animaux. Pourquoi ne connaissait-il pas son père ? « C’est du passé », lui disait sa mère. Alors, Ettore se confiait audit curé. La réponse tombait, immuable : « Prie. Tu comprendras quand tu seras grand ! » L’enfant priait et s’adressait directement au bon Dieu : « C’est pas juste. On a l’impression que c’est toujours les méchants qui gagnent et les gentils qui souffrent. » Hector n’a jamais compris, même et encore sur son lit d’agonie.

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Frédérique Volot.

Tout cela est raconté avec justesse et une immense sensibilité, sans pour autant jouer les béni-oui-oui à l’égard de diverses politiques et de l’Église, par exemple. Si cet ouvrage permet de découvrir un destin façonné par trop de violence et de fanatisme, de lâcheté aussi, des situations qui, hélas, sont encore d’actualité, il est aussi un formidable hymne à une réelle fraternité réconfortante. Au-delà des mots, il y eut des actes fameux. Sous la plume, fameusement – justement !  – documentée, de Frédérique Volot, cela relève d’un indéniable travail de Mémoire.

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