« Littérature sans Frontières est une chronique de Pierre Guelff.
Il n’y a pas de hasard, paraît-il. Ainsi, à peine terminé le poignant roman « Port-des-Vents » d’Hortense Dufour (Presses de la Cité) consacré à quatre générations de Charentaises, que s’ouvrait une exposition remarquable dans la capitale de l’Europe : « Histoires de femmes » ou la femme dans la Société.
« Quand on naît femme, ici (c’est-à-dire à Port-des-Vents), il faut savoir tout faire. Aimer, accoucher, allaiter l’enfant, peiner au ménage, à la lessive, s’activer au plus dur : courbées sur la vase, les mains rougies, peiner au parc des huîtres et des coquillages ; renaître, mourir. Personne n’y est heureux mais personne ne veut quitter Port-des-Vents et cette façon âpre et puissante de vivre et de mourir », explique d’emblée Hortense Dufour dans un ouvrage émouvant, révoltant, tendre, dur et passionnant. Un endroit qui vécut vingt-deux tempêtes majeures en trois siècles : « On ne pleure pas les morts. On, les oublie ou on en meurt. On ne pleure pas les dégâts. On rassemble, on colmate, on reconstruit… » et ce credo frôle la cruauté à toute survie.
En plus de trois cents pages, l’auteure raconte le quotidien de ce village où vit une lignée de femmes hors du commun, dont la très, trop, jolie Adrienne « par qui tout arriva ». Tout ?
Hortense Dufour explique : « Si on n’échappe pas impunément à une emprise d’amour (…), seules les femmes ont cette puissance de durer et faire durer, survivre et reconstruire même parmi les ruines… »
Et, Dieu sait s’il y en eut des « ruines » humaines et matérielles à Port-aux-Vents ! Alors, il n’y a plus qu’à passer des pactes en cas d’algues tueuses d’huîtres, de tempêtes ravageuses et de passions dévastatrices. Pacte avec l’océan, pacte avec le vent, pacte avec les gens.
Adrienne, Marie-Rose, Marjolaine, tante Coco, Adèle, Gertrude, Indiana, Elena et d’autres mettent en lumière cette constatation de l’auteure : « Ici, quand on aime, c’est comme la haine : de toutes nos forces. »
Au micro de « Fréquence Terre » et pour son site web, Catherine de Vestele, cheville ouvrière de l’ARA, Amis de la Reliure d’Art, explique les spécificités de l’exposition, l’ARA étant l’association internationale fondée en France en 1982 par Marcel Garrigou, un bibliophile. L’ARA a pour objectif essentiel celui de promouvoir par tous les moyens possibles, cet art merveilleux, encore trop méconnu du grand public. En France, l’ARA présente ses principales expositions à la mairie du XVIe arrondissement de Paris et dans la capitale de l’Europe, au Musée des Arts du Livre et de la Reliure situé à Woluwe-Saint-Pierre.
À Bruxelles, « Histoires de femmes » se tiendra jusqu’au 10 novembre 2017.
La totalité de l’interview est reprise en podcast ci-dessous mais, sachez que notre interlocutrice y évoque cet art de la reliure : tradition de raffinement manuel propre au talent féminin, ce qui n’exclut pas les relieurs masculins, faire preuve de patience, être initié(e) à d’autres disciplines artistiques (gravure, dessin…)
Et puis, ces paroles d’Amélie Nothomb : « Il y a une vingtaine d’années, j’ai eu entre les mains un répertoire d’écrivains et écrivaines. La table des matières se présentait comme suit : 1. Écrivains du passé. 2. Écrivains actuels. 3. Écrivains de guerre. 4. Poètes. 5. Écrivains de voyages. 6. Écrivains femmes. Je n’invente rien. Faut-il préciser que ce catalogue n’avait aucune intention humoristique ? » conclut l’écrivaine. Nuance importante et justifiée, donc, dans cette terminologie !
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