samedi, juillet 27, 2024

Désobéissance et paradis

Littérature sans Frontières est une chronique de Pierre Guelff.

Voici, tout d’abord, quelques réflexions pour une première chronique consacrée à l’essai « L’impératif de la désobéissance » du philosophe et écrivain Jean-Marie Muller aux Éditions du « Passager clandestin », ensuite, dans cette même rubrique, un lien avec le roman « La traversée du paradis » d’Antoine Rault chez Albin Michel, lien qui, en somme, corrobore les propos du premier ouvrage abordé.

Ainsi, la désobéissance civile est devenue un impératif éthique et peut certainement contribuer à  rétablir la démocratie fortement mise à mal sous toutes les latitudes depuis quelques années.

Plutôt que de longs discours, j’ai extrait plusieurs passages significatifs de Jean-Marie Muller : « Si nous ne sommes pas responsables de tout le bien que nous ne faisons pas, nous sommes entièrement responsables du mal que nous faisons. »

Ce postulat entraîne, bien entendu, des explications. En voici une première : « Je suis libre en obéissant à la loi lorsque celle-ci garantit une juste égalité des chances pour tous, je ne peux rester libre qu’en lui désobéissant lorsque ce n’est manifestement pas le cas. »

Pour illustrer cela, faut-il rappeler que, lors d’élections, le citoyen ne donne pas sa voix à un candidat, car ce serait abdiquer, se soumettre, promettre l’obéissance, mais il prête sa voix à celui qu’il veut élire, d’où, son droit démocratique d’avoir droit au chapitre et de se faire entendre.

À ce propos, l’auteur dit : « C’est en acquérant le pouvoir de dire non à l’État que le citoyen à l’autonomie qui fait de lui un homme moralement responsable de ses actes. »

Mais, il y a un critère décisif, qui est mien aussi : « Les campagnes de désobéissance civile sont essentiellement non-violentes ».

Dans les premiers chapitres de son essai, Jean-Marie Muller analyse les écrits et actes de quelques pionniers dans le genre, dont Étienne La Boétie qui, au XVIe siècle, écrivait : « L’habitude de servitude éteint le désir naturel, originel et primordial de liberté. » et  de prôner l’union des dissidents pour faire chuter les tyrans. Même constatation pour Henry David Thoreau au XIXe siècle : « La plupart des hommes servent l’État avec leur corps et non avec leur conscience. » D’où, « désobéir à une loi injuste, ce n’est pas seulement exercer un droit ou accomplir un devoir, c’est essentiellement affirmer sa liberté. »

Quasiment à la même époque, Léon Tolstoï sortait de ses gongs : « Partout où il y aura le pouvoir des uns sur les autres, c’est-à-dire le peuple, il n’y aura pas de liberté mais souvent de l’oppression. Mais, ce qui fait la force de tsars, de gouvernements et de tous ceux qui collaborent à leurs basses œuvres, c’est l’obéissance des individus à accepter de mettre eux-mêmes en œuvre la violence dirigée contre eux. Je m’indigne de voir, soulignait l’écrivain, les hommes obéir à des lois dont ils ne reconnaissent ni la sagesse ni la justice. Ils savent pourtant qu’elles sont enfantées par la cupidité, par la fourberie, par la lutte des partis. La défense de la patrie n’est qu’un prétexte pour mieux maintenir le peuple dans l’obéissance. Mais, les soldats qui marchent contre les grévistes appartiennent au même peuple que les ouvriers. Pourquoi, donc, ces soldats marchent-ils contre eux-mêmes ? Parce qu’ils sont hypnotisés par le conditionnement patriotique et religieux auquel ils sont soumis dès leur enfance… »

Traversée du paradis

Ah ! Quel fameux lien à réaliser avec  le roman « La traversée du paradis » d’Antoine Rault, dont voici des extraits de la présentation par Albin Michel :

« 1920. À l’heure où Lénine et les Bolcheviks font régner la Terreur rouge, l’espion français Charles Hirscheim, devenu l’espion Gustav Lerner, est envoyé en mission en Russie. Il s’y fait passer pour un communiste. (…) L’auteur dresse le portrait de toute une époque : celle de l’Europe des années vingt bouleversée par la guerre et la Révolution communiste. »

Alors, quel peut être ce fameux lien ?

Notre lectrice, Marie, explique :

Marie, lectrice pour « Fréquence Terre ».

« Tout d’abord, je tiens à dire que cet ouvrage est remarquablement écrit. L’histoire, en tant que telle, n’a, à première vue, aucun rapport avec votre rubrique consacrée à la désobéissance civile.

Cependant, une conséquence de la situation d’amnésie dans laquelle est plongé le personnage principal du roman peut, effectivement, se rapprocher de l’une des constatations de Tolstoï sur les horreurs d’une guerre engendrées délibérément et au détriment du peuple. Peuple dont ils se moquent éperdument en lui donnant des ordres formels et absurdes, d’ailleurs.

De plus, autre constat, c’est le fait d’être considéré comme un pion, un « autre », sans parler pour autant de marginalité, dès que vous sortez des rangs et ce, parce que ledit peuple paraît littéralement hypnotisé par le pouvoir qui, à ses yeux, reflète un certain prestige.

Ainsi, il n’y a aucun respect de la vie d’autrui de la part de l’appareil étatique et beaucoup de citoyens ne s’en rendent même pas ou plus compte… »

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.