samedi, avril 20, 2024

« Les Roses du Montfort » de Gilles Laporte (Presses de la Cité)

« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.

Un roman de Gilles Laporte, c’est comme le Beaujolais nouveau, l’annonce d’un cru exceptionnel à Saint-Émilion ou aux Nuits-Saint-Georges, c’est un événement traditionnel qui ravit tous les amoureux de sagas et œuvres dites de terroir de qualité.

Avec Les Roses du Montfort, son tout dernier roman paru aux Presses de la Cité, on est précisément au cœur de coteaux de Vosges à la fin du XIXe  siècle quand débute le récit avec ce foutu fléau de phylloxéra qui ruine les vignobles. Mais, il n’y a pas que ça…

– Si tu lui foutais un peu la paix, à ta fille, et que tu la laisses passer comme elle veut le bon temps de sa jeunesse… tu crois pas que tu ferais une bonne action ? lança Marie, la dentellière, à Charles, son vigneron de mari, parents de Louise, 18 ans.

– Notre Louise fera comme j’aurai décidé, répliqua-t-il, surtout préoccupé par la bestiole venue de l’autre côté de l’Atlantique. On avait eu assez de Sedan pour défaite et de l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine par les doryphores prussiens, il faut faire front.

Et Charles entrevit la possibilité de s’unir à Anselme Bourrel, autre propriétaire vigneron, le père d’Adrien qu’il verrait bien comme beau-fils.

La stratégie n’échappa pas à Marie et Louise, unies comme jamais pour contrecarrer le dessein paternel.

– Je t’interdis de mêler notre Louise à tes projets avec les Bourrel. C’est clair ? tonna Marie.

À côté du récit de moments tendus, dramatiques, violents, comme la fiole de verre opaque à l’étiquette rouge marquée POISON retrouvée vide au pied du lit de Louise, l’auteur développe aussi de véritables hymnes à la Nature : « Rituel de sortie d’hiver. Charles se disait que la terre le gratifiait ainsi, dès le réveil de la nature, de ce qu’elle avait de plus pur, avant de lui faire le don de ce qu’elle avait de plus sacré. »

Mais, Gilles Laporte sait aussi élever le ton : « Après avoir exporté la maladie (entendez le phylloxéra), les massacreurs d’Indiens (c’est-à-dire les Américains) en vendaient le remède. Pour eux, comme toujours, une catastrophe devenait… marché ! »

Et que l’on parle marché, Louise, passé la vingtaine, en conclut un avec une tante : elle quitta ses parents et le village pour aller travailler à la ville dans le commerce de son richissime oncle drapier. La jeune femme fit l’amère expérience de ce pervers, que l’amitié avec sa cousine et sa passion amoureuse pour Henri-Pierre, ingénieur, n’effaçaient pas. A fortiori, quand ce dernier apprit qu’elle était enceinte de ses œuvres et se fit goujat. Néanmoins, elle vécut un petit temps avec lui, il la frappa au ventre et elle s’enfuit. Retour à la ferme familiale au village avec, au loin l’approche de la Première Guerre mondiale.

L’auditeur le comprendra : inutile de poursuivre cette évocation qui s’en va crescendo en intensité et qui révèle toute la puissance d’une écriture qui tient en haleine jusqu’à la dernière ligne. Et, caractéristiques chez Gilles Laporte, il propose des moments poignants où se mêlent l’amour de la belle ouvrage, celui de la fraternité et, au sommet, le respect des humbles.

Alors, c’est vrai, que les roses du Montfort sont bien belles et sentent bon.

Musique : http://www.michaelmathy.be/#music

 

 

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