Le hasard fait parfois bien les choses. Ainsi, lors d’une visite à la librairie de mon quartier bruxellois ouverte, car en Belgique le livre n’est pas considéré comme « non essentiel », je suis tombé sur un tout petit livre de 12 cm de haut et 8,5 de large, épais d’à peine 1 cm : « Tu sais que tu es soixante-huitard quand… » écrit par Gisèle Foucher pour les Éditions First.
Inutile de vous dire que j’ai déboursé les 4 euros sans rechigner et que, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, j’ai lu les 88 pages ne comptant, chacune, au maximum, qu’une dizaine de lignes et beaucoup de dessins.
Et, ouf !, de questionnaires en quiz, je suis considéré comme un « vrai » soixante-huitard !
Il n’aurait plus manqué que ça, moi qui, avant de devenir journaliste-militant, entre autres au magazine POUR dont le slogan, dès les années 1980, fut « Pour écrire la liberté » et, depuis 2007, à Fréquence Terre qui œuvre à la prise de conscience écologique, un mode de vie alternatif à la société consumériste, je fus ouvrier en usine et sur chantiers a à peine un euro l’heure et à raison d’une cinquantaine d’heures par semaine dans des conditions de travail quasi moyenâgeuses, et qu’en Mai 68 je suis entré en pétard avec les parti et syndicat socialistes belges qui firent savoir à la classe ouvrière qu’ils avaient d’autres chats à fouetter, problèmes communautaires typiquement belges obligeant et toujours pas résolus en cette fin de 2020, d’ailleurs.
Bref, les « camarades » socialistes firent de moi un objecteur de conscience, un tiermondiste, un gauchiste pacifique, un défenseur de la veuve et de l’orphelin, sans conteste, un vrai des vrais soixante-huitards qui ne compte plus ses manifs et engagements concrets.
Ceux, liste non exhaustive, pour un salaire et des conditions de travail décents, pour la liberté d’expression, pour la laïcité et contre tout intégrisme, pour le Larzac aux paysans, pour le droit de mourir dans la dignité, pour la non-violence, contre le nucléaire, contre la guerre au Vietnam, contre le capitalisme et ses potes lobbyistes des multinationales, contre le fascisme, en soutien aux victimes d’injustices, en soutien à Charlie Hebdo, ayant même marché une semaine en 1976 entre Metz et Verdun aux côtés des Cabu, Wolinski, Cavanna…, lors de la Marche pour la démilitarisation, également aux côtés de Greta Thunberg et des jeunes pour sauver notre climat du cataclysme, et encore, récemment, pour garder l’aspect village à mon quartier convoité par les promoteurs immobiliers de mèche avec des politiciens…
Bon j’arrête cet étalage d’autojustification, mais tout ça pour vous dire, amis auditeurs et amies auditrices, lecteurs et lectrices, que dès la première question dudit petit livre (ils auraient pu faire la couverture rouge et non orange, mais cela aurait peut-être trop rappelé le funeste Petit Livre rouge de Mao), d’emblée, donc, je fus dans le mille, je cite Gisèle Foucher : « À défaut de dépaver les rues pour marquer ton mécontentement, tu fiches le bazar – le bordel, quoi ! – sur les réseaux sociaux. Râler est ta raison de vivre. »
Si le terme « râler » paraît relever du poujadisme, il a comme synonymes « protester, objecter, opposer, indigner, rebeller, résister, contester, manifester » et là, je me sens en parfaite harmonie avec ces termes et cet autre passage du livre : « Tu sais que tu es soixante-huitard quand lorsqu’on te demande quelle est ta véritable orientation politique… » et que tu réponds que c’est la défense de la liberté.
Podcast: Download